Dans un décor rapidement planté, le pays basque espagnol, les personnages arrivent, les uns après les autres, tisser de leur fil noir ce sinistre écheveau.
Iban Urtiz est un jeune journaliste, naïf et entêté qui enquête sur la disparition d’un militant. Croyant avec conviction à l’indépendance du journalisme d’investigation, il va se heurter à un mur de silence, voire d’hostilité, car sa neutralité va le rendre suspect aux yeux de tous. Il a pour lui le pire des défauts, il n’appartient à aucun camp. Comment pourrait-il en être autrement puisque c’est un erdaldun – celui qui ne parle pas le basque –
Le roman fait référence à une des périodes les plus noires de la jeune démocratie espagnole : la sale guerre. Celle que se livraient l’organisation basque indépendantiste ETA et l’armée de l’ombre du gouvernement espagnol, le GAL et ses barbouzes. C’est une guerre d’idéalistes, de flics et de juges qui se narguent de chaque côté de la frontière Franco-espagnole.
C’est un roman dur et viril où les hommes ne pleurent pas les disparus mais serrent les poings et attendent de frapper à leur tour. C’est un roman où les hommes ne parlent pas et méprisent ceux qui le font. C’est un roman où les femmes pleurent et sont obligées de se taire.
L’histoire est menée à un rythme rapide et puissant, tranchant comme un coup de couteau et qui ne laisse pas le lecteur reprendre son souffle, mais où l’auteur lui-même nous en dit peu, préférant suggérer ou sous-entendre les choses, comme si toutes les cicatrices n’étaient pas refermées et qu’il convenait d’épargner des protagonistes convalescents. Mais on devine la violence, le sang, la mort, la torture. Et on entend derrière ce silence les cris de désespoir des familles des disparus et celui des suppliciés dans les geôles secrètes de l’Etat.
Mais qu’on ne s’y trompe pas, personne, ici, n’est vraiment innocent ni vraiment coupable, même si l’auteur n’en dit rien.
Au final, un roman dur et noir, bien enlevé, bien ficelé, bien raconté, très bien documenté mais partisan. C’est le droit de l’auteur.
Je regrette qu’après 500 pages, cette tranche d’histoire du pays basque reste toujours aussi obscure et insaisissable, à mes yeux, mais, après tout, ne suis-je pas, moi aussi, un erdaldun ?