C’est un livre blanc arborant le célèbre smiley qui pleure de rire, celui qui serait le plus envoyé via les différentes messageries virtuelles. Un livre avec pour unique titre une célèbre onomatopée visuelle. Évidemment… Comment c’est possible que cela n’ait pas été fait avant !… Coup de marketing de l’ancien publicitaire ou coup de génie, quoi qu’il en soit je décide de lui laisser sa chance. Je n’avais encore jamais lu un seul Beigbeder ; je connaissais seulement sa réputation et j’espère que le lire me fera revoir l’idée que j’en aie (spoiler : oui).
L’histoire retrace les heures — jusqu’à très tard dans la nuit — qui séparent Octave Parango de sa dernière chronique matinale à France Public. Sans doute la chronique nébuleuse de trop puisque l’auteur est remercié consécutivement par la direction de l’antenne. Les noms sont modifiés pour la forme car on fait phonétiquement le lien avec la personne concernée. Cependant, je ne pense pas que Beigbeder cherche ici à régler des comptes (ou alors c’est vraiment très doux).
Sous-couvert de son célèbre double, Octave Parango, l’auteur dénonce un phénomène de dictature du rire qui sévirait de plus en plus dans les sociétés occidentalisées, avec pour épicentre les grands médias. Le constat est simple : le ricanement doit être présent quelque soit les sujets, même les plus sérieux et les plus graves. Les auditeurs de France Inter comprendront assez aisément cette thèse de l’auteur, puisque tous les chroniqueurs s’attachent à rire de tout, au nom de la liberté d’expression. Mais, paradoxalement, les victimes de la dérision n’ont aucun droit de réponse face aux humouristes. En somme, c’est le bouffon du roi qui devient roi à son tour… Beigbeder ayant d’ailleurs lui-même expérimenté ce pouvoir lors d’une chronique en présence d’Emmanuel Macron.
Si ce point n’est pas inintéressant, le livre m’a paru plus séduisant quand l’auteur décrit l’errance nocturne de son personnage. Octave Parango est un anti-héro détestable mais que Beigbeder parvient à rendre attachant. Il y a là une véritable plume et l’auteur ne tombe pas dans l’écueil le plus récurent de cet exercice : prétexter la fiction pour faire son auto-psychanalyse. Non, Octave Parango n’est pas Beigbeder, on est bien dans la fiction.
Pour aller vite, son personnage est un pré-millénial qui n’arrive pas à se conformer à ce qui l’appelle le « nouveau monde ». Il livre une vision versatile sur différents thèmes qui sont, j’imagine, chers à l’auteur : l’amour, le sexe, la fête, la notoriété… En effet, Octave Parango est tour à tour un nanti cynique détestable, puis un romantique ultra sensible, un ayatollah de la déglingue, puis un homme trouvant la rédemption dans la parternité… Bref sa personnalité est complexe et donc attachante ; on oscille entre détestation et compassion — l’une n’empêchant pas l’autre à certains moments.
Enfin, le smiley-titre a semble-t-il été choisi par l’auteur pour critiquer le ricanement permanent et obligatoire à France Inter et qui se diffuse de plus en plus dans notre société. Mais paradoxalement, cet émoji qui n’est qu’un « borborygme illustré » permet pourtant davantage d’interprétation qu’un titre borné par des mots. C’est pour quoi, personnellement, je préfère y voir l’ironie de l’auteur nostalgique d’une époque révolue face à ce symbole d’une nouvelle ère…
NB. Beigbeder n’est certainement pas celui qu’il cherche à nous faire croire. Il est bien mieux.