L'Homme qui rit
7.9
L'Homme qui rit

livre de Victor Hugo (1869)

Première expérience de la prose hugolienne ; j'avais décidé de me mettre en quête d'une oeuvre moins fameuse que Les Misérables et autres Notre-Dame de Paris. L'Homme qui rit, par son titre attrayant, semblait me tendre des bras aguicheurs.

La première chose qui m'a frappé dans le style hugolien, et qu'à vrai dire je redoutais, fut cette densité d'ordre encyclopédique, très verbeuse et incessante. Hugo semble vouloir ancrer son récit dans un tableaux historique très (trop) précis en cumulant des anecdotes plus ou moins justifiées et en nous inondant de noms propres, de personnalités, de "vérités"... Durant des parties entières, l'auteur souhaite nous dépeindre précisément une société Anglaise qui, selon les critiques, est en partie fausse et fantasmée...

Une autre déploration des critiques sur le roman, que je partageais au début de ma lecture, relève d'une tendance à l'excès, à l'exagération et des sentiments, et des descriptions etc. Je me doutais que la figure maîtresse des Romantiques ne faisait pas dans la dentelle quand il s'agissait d'épancher le déferlement des éléments, de la mer, ou la détresse, l'amour... J'en fus gêné sans m'en offusquer. A peu près mille pages, j'espérais tout de même y trouver bon compte.

A la fin de la lecture, je me suis immédiatement dit que L'Homme qui rit était un chef d'oeuvre, mais pas forcément Romantique. C'est une fable colorée et tragique, un "drame injouable" d'une laideur émouvante. Gwynplaine, le personnage principal, est un Quasimodo nouveau, brillant, un Misérable perdu dans une vie que le sort malmène. La fureur de l'océan, thème romantique par excellence, cher à Hugo, est un leitmotiv qui se fait écho dans l'oeuvre, notamment à travers des métaphores, les personnages eux-mêmes. On pourra noter la problématique du visage, de la misère, du langage, du ciel, de l'oeuvre de formation, des ascensions et des chutes. Mais je préfère en conseiller la lecture sans approfondir toutes ces mines d'or.

Les personnages sont très attachants, très "colorés", des personnages tout droit sortis de contes ; Ursus le philosophe qui vit reclus avec un loup, Homo, dans une carriole de voyageur, Gwynplaine, le jeune enfant abandonné sur le visage duquel est cicatrisé un sourire terrible et éternel, Dea, la petite aveugle et lucide. Tout cet univers qui relève du mythe est finalement gâté par cette obsession qu'a Hugo de vouloir nous noyer de précisions et d'Histoire.

Un drame épique, parfois lourd, mais d'un charme incontestable. L'Homme qui rit aurait gagné à ressembler moins à un dictionnaire et à assumer sa part de fantasme et de conte.


Rahab
8
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le 4 mars 2012

Critique lue 1.2K fois

4 j'aime

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