Dans l'hôtel du cygne, il n'y a ni cygne ni hôtel mais une oie et une résidence somptueuse habitée par de nouveaux riches chinois. Traduite pour la première fois en français avec Le clou, d'une belle ambition et d'une grande épaisseur, Zhang Yueran prouve avec un livre plus court, presque une novella, qu'elle sait radiographier la nouvelle Chine, avec ses privilégiés et ses anonymes, qui tend à ressembler de plus en plus à n'importe quel pays capitaliste, si ce n'était l'omniprésence du pouvoir communiste, qui ne figure pas explicitement dans le livre mais dont la présence est somme toute suggérée. Certes, L'hôtel du cygne a un côté frustrant de par sa brièveté, qui implique que certains personnages ne bénéficient pas d'un développement plus ample, mais le portrait de son "héroïne", nounou de son état et par ailleurs témoin du mode de vie du couple (très) aisé qui l'emploie, permet à l'auteure de s'intéresser à une citoyenne lambda qui n'a aucun espoir de voir un jour son sort amélioré. Ce portrait de femme (Yu-Ling) est sensible et touchant malgré une certaine tendance à "mélodramatiser" son parcours depuis le lointain Sichuan. L'on quitte trop vite et à regret Yu-Ling que la fin ouverte du livre ne laisse cependant pas totalement condamnée. Pour atteindre le bonheur, ce sera une autre affaire.