Une liste triée... et des idées inquiétantes
Joseph Klatzmann, directeur d'études à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, est l'auteur d'ouvrages portant sur l'agriculture, sur Israël et sur la marche à pieds. Il a visiblement listé pendant une grande partie de sa vie toutes les "histoires juives" qu'il a pu entendre ou lire. Puis il a décidé de les classer en chapitres, parties, sous-parties, sous cette forme particulière à la collection "Que Sais-Je ?". Un tri effectué avec plus ou moins de talent : essentiellement un ordonnancement par pays, et beaucoup de parties avec "les restes" (i.e. "je n'ai pas réussi à trier ces histoires").
Le lecteur trouvera sans doute les intérêts suivants dans ce livre :
1) Certaines histoires prêtent effectivement à rire, qu'on soit Juif ou pas.
2) Le contexte est généralement bien décrit. Il permet souvent de comprendre *pourquoi* c'est drôle.
A contrario, on pourra regretter que parfois, des commentaires suivent l'histoire. Et il n'y a rien de pire qu'une blague expliquée.
Le livre se finit de manière assez sèche : on "élève le débat", si tant est qu'il y en ait un, en parlant de Freud. Mais l'analyse de ce dernier dans "Le mot d'esprit et sa relation à l'inconscient" n'est guère explicitée. Tout juste l'auteur cite-t-il les meilleures blagues de Sigmund (!).
Et quand l'auteur réfléchit sur l'humour juif, on peut être étonné. D'après l'introduction, les Juifs ont "fait de l'humour aux débuts du nazisme, à une époque où l'on ne soupçonnait pas encore l'ampleur de la catastrophe à venir". Ainsi, ils se seraient arrêté, une fois un certain "seuil" dépassé ? Au contraire, on voudrait croire qu'au summum de l'horreur l'humour soit l'ultime recours.
Le plus inquiétant est finalement l'opinion que l'auteur a de l'humour juif : certes, les non-Juifs peuvent en rire eux aussi (et ce livre n'est pas destiné exclusivement à sa communauté), mais pour lui l'humour représentant des personnes juives est juif ou antisémite. En introduction, Joseph Klatzmann affirme d'emblée que les ""histoires juives", inventées par les non-Juifs" sont "à caractère généralement antisémite". Il justifie cette théorie ainsi : "la différence est que l'antisémitisme, qui a conduit à des persécutions et à des massacres, a pu être renforcé par la diffusion des "histoires juives"". On ne peut nier que cela "a pu" arriver, mais cette généralisation est sans nul doute abusive. Et elle n'autorise certainement pas à renier le droit aux non-Juifs de faire de l'humour juif.
Décidément, on peut rire de tout, mais toujours pas avec n'importe qui.