J'ai toujours aimé One Piece, qui représentait à mes yeux la quintessence de l'aventure, dans toute sa diversité, avec le fameux trésor en ligne de mire, l'équipage délirant, les péripéties tantôt épiques, tantôt drôles et tout ce univers de pirates qui ne parle que trop à l'enfant au fond de mon cœur. Et puis j'ai découvert L'Île au trésor, qui est peut-être le roman d'aventure le plus efficace et représentatif de ce qu'est une quête épique. Un roman apparemment inspiré par ce qui se faisait déjà de mieux à l'époque (le perroquet de pirate qui serait repris de Robinson Crusoe, entre autres) et qui inspirera bien d'autres œuvres par la suite.
Parce que Stevenson a parfaitement compris ce qu'il fallait dans une aventure efficace, pas de fioriture, d'histoire d'amour à la con, de psychologie trop travaillée ou d'artifices intellectuels pour se donner un genre, non, non : "juste" un dosage parfait de toutes les étapes importantes pour qu'on se sente happé et investi par la quête du jeune Jim Hawkins, de suspense du coup et de péripéties merveilleuses. Le genre d'aventures qui donnerait presque envie de revenir à cette époque un peu barbare, juste pour souffrir du mal de mer (et du scorbut) en s'enfilant des fûts de rhum pour mieux tenir, afin d'arriver sur une île perdue avec pour seule indication une carte au papier jauni et quelques grosses croix rouges. Et c'est ça qui est fabuleux avec ce roman, il propose exactement tout ce qu'on peut attendre du genre, sans chercher à s'affranchir des codes, mais en les sublimant.
Du coup, les pirates sont aussi bêtes que méchants et sournois, le jeune héros est preux, courageux et honnête et le vieux chevalier toujours juste, mais un peu ennuyeux. Et l'histoire défile, la quête vers le trésor est loin d'être une longue traversée tranquille, le roman est étonnamment sombre et le sang n'en finit pas de couler, sans jamais tomber dans le racoleur ou la violence gratuite. C'est presque du réalisme fantastique, parce que l'horreur est montrée, mais sans jamais être trop appuyée, et elle sert totalement le développement du jeune Jim, pas vraiment préparé à jouer les corsaires, mais qui comme le lecteur s'aguerrira au fil du récit;
Et même si Jim est un héros assez conventionnel pour le genre, la plupart des personnages parviennent à échapper au manichéisme enfantin, et se révèlent attachants malgré leurs défauts ou leurs crimes, comme l'extraordinaire coq Long John Silver (qui a plus que probablement inspiré le personnage de Zeff du Baratie dans One Piece) et son perroquet qui répète toujours la même rengaine. Affable, intelligent, menteur, opportuniste, il peut se parer de tous les qualificatifs et participe grandement à l'intérêt de l'histoire, et du roman en général.
Dès lors, comment ne pas succomber ? Le style est efficace, l'auteur décrit merveilleusement l'ambiance quand il le faut et préfère souvent laisser au lecteur la pleine compréhension des personnages et de leur psychologie et le roman est juste merveilleusement rythmé. Bref, c'est passionnant, c'est épique, c'est bien écrit et ça fait doucement rêver, qu'en demander de plus ?