On avait fréquenté Peter May il y a quelques années dans une série chinoise (Meurtres à Pékin, ...) qui nous avait franchement déçus : intrigue policière banale, romance insipide, folklore chinois bourré de clichés, bref circulez, y'a rien à lire.
Autant dire qu'il aura fallu plusieurs bonnes critiques de confiance pour nous donner envie de renouer le contact avec cet auteur et de prendre avec lui le bateau pour L'île des chasseurs d'oiseaux.
Une série écossaise cette fois : Peter May est visiblement plus à l'aise sur ses propres terres qu'en touriste dans l'Empire du Milieu.
L'inspecteur Fin MacLeod est appelé sur l'île de Lewis (archipel des Hébrides) dès qu'un meurtre y a été commis qui rappelle fortement une récente affaire sur laquelle il a travaillé à Edimbourg : encore un cadavre retrouvé pendu et éviscéré.
Mais Fin (pour Fionnlagh) est un enfant de l'île Lewis qu'il a quitté il y a bientôt vingt ans dans des circonstances un peu mystérieuses.
Son retour sur cette île inhospitalière habitée par des taiseux, va donc faire resurgir des bribes du passé : des souvenirs d'enfance, des rivalités oubliées, des blessures cachées et des drames tus pendant beaucoup trop longtemps, ...

[…] « Ça, c’est marrant. Tu te retrouves ici pour enquêter sur le meurtre du type qui nous a cassé la gueule à tous quand on était mômes. »

On entre un peu à reculons dans ce bouquin avec une enquête policière qui piétine sur place et des souvenirs d'enfance qui prennent beaucoup de pages : on se demande bien ce que viennent faire ces chapitres d'il y a vingt ans, un peu longs, à part nous décrire la vie pittoresque et difficile de cet île qui ressemble beaucoup à la récente Stroma [clic] avec une église toujours aussi présente , rigoriste et étouffante.
Et puis à peu, le garçon Fin grandit. Vient l'adolescence et avec elle des moments plus forts, des amours gâchées, l'innocence perdue, et des drames bientôt, ...
Comme l'auteur et son enquêteur, on délaisse finalement l'enquête policière du présent et on s'intéresse de plus en plus au passé.
Car à force de brasser d’anciennes histoires, on sent bien qu’on s’approche lentement mais sûrement d'une clé perdue là-bas, quelque part dans les brumes du passé : ce qui est arrivé ce jour-là sur le rocher An Sgeir ...
Ah oui, bien sûr vous avez lu le titre : c'est L'île des chasseurs d'oiseaux.
Chaque été donc, les habitants de Lewis ont coutume d'envoyer un équipage d'une douzaine de vaillants gaillards sur un rocher perdu en pleine mer à quelques heures de bateau. An Sgeir est un petit îlot, un rocher inhospitalier, battu par les flots et les vents.
Où des milliers de fous de Bassan viennent nicher.
Pendant quinze jours la petite expédition se livre à une terrible boucherie, une véritable curée : deux mille oiseaux (limités par un quota, ils les comptent minutieusement) deux mille petits sont tirés du nid, décapités, plumés, salés. Un vrai régal ensuite (paraît-il …) pour toute l'île pendant les longues soirées d'hiver.
Une pratique barbare à condamner ? Un rite initiatique à décoder ? Une chasse pittoresque à observer ? Une coutume ancestrale à préserver ? Peter May nous laissera juges.
Mais cet été-là, le jeune Fin fut enrôlé parmi les nouveaux initiés : quelques jours après, il quittera l'île rapidement et fera carrière dans la police à Edimbourg. Que s'est-il donc passé cette année-là sur An Sgeir ? Qu’est-ce qui aura fait fuir le jeune Fionnlagh ? Est-ce finalement sur ce rocher que se trouve la clé du crime d'aujourd'hui ?
L'écriture de Peter May reste très classique et assez impersonnelle mais coule de façon fluide et même si l'accumulation des drames du passé sur le dos du pauvre Fin MacLeod donne quand même dans le too much, le détour par les Hébrides vaut le voyage en compagnie de cet inspecteur, excellent guide touristique (et patient enquêteur à ses moments perdus) : il y a d'autres épisodes à suivre et il se pourrait bien qu'on y retourne.
BMR
6
Écrit par

Créée

le 22 avr. 2014

Critique lue 1.1K fois

8 j'aime

BMR

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

8

D'autres avis sur L'Île des chasseurs d'oiseaux

L'Île des chasseurs d'oiseaux
BMR
6

Polar en l'île

On avait fréquenté Peter May il y a quelques années dans une série chinoise (Meurtres à Pékin, ...) qui nous avait franchement déçus : intrigue policière banale, romance insipide, folklore chinois...

Par

le 22 avr. 2014

8 j'aime

L'Île des chasseurs d'oiseaux
louisa
8

Critique de L'Île des chasseurs d'oiseaux par louisa

A la différence du précédent roman que j'ai pu lire du même auteur (Meurtres à Pékin), celui-ci distille vraiment son intrigue tout au long du livre et non dans les 100 dernières pages et ça c'est...

le 2 janv. 2012

7 j'aime

1

L'Île des chasseurs d'oiseaux
matthiasvivet
9

Critique de L'Île des chasseurs d'oiseaux par Matthias Vivet

Une petite île écossaise, son folkore local, ses histoires... Un inspecteur qui vient de perdre son fils et qui est obligé de revenir sur cette même île qu'il avait quittée depuis très longtemps. Le...

le 10 sept. 2013

4 j'aime

Du même critique

A War
BMR
8

Quelque chose de pourri dans notre royaume du Danemark.

Encore un film de guerre en Afghanistan ? Bof ... Oui, mais c'est un film danois. Ah ? Oui, un film de Tobias Lindholm. Attends, ça me dit quelque chose ... Ah purée, c'est celui de Hijacking ...

Par

le 5 juin 2016

10 j'aime

2

The Two Faces of January
BMR
4

La femme ou la valise ?

Premier film de Hossein Amini, le scénariste de Drive, The two faces of January, est un polar un peu mollasson qui veut reproduire le charme, le ton, les ambiances, les couleurs, des films noirs...

Par

le 23 juin 2014

10 j'aime

Les bottes suédoises
BMR
6

[...] Je ne suis pas hypocondriaque, mais je préfère être tranquille.

C'est évidemment avec un petit pincement au cœur que l'on ouvre le paquet contenant Les bottes suédoises, dernier roman du regretté Henning Mankell disparu fin 2015. C'est par fidélité au suédois et...

Par

le 10 oct. 2016

9 j'aime

1