Je suis assez déçu de ce livre qu’on m’avait pourtant recommandé, moi qui suis gaucher ! Déçu sur la forme comme sur le fond. Je n’avais pas lu de bouquins de Jardin, et vu la liste d’attente qui est la mienne, ce n’est pas sans doute pas bientôt que je recommencerais.
Le style agace dès le début par sa maladresse ; souvent ampoulé, il a parfois, de manière plus grave, ce petit goût journalistique désagréable. L’auteur semble hésiter entre plusieurs tons, pouvant juxtaposer un vocabulaire grivois et des tournures précieuses, comme on mélangerait du reblochon et du nutella, rendant la lecture déroutante, bancale, et annulant les effets censés être provoqués par l’un ou l’autre de ces tons : l’humour ou l’emphase, l’ironie ou l’émotion... Dès le début, j’ai eu la curieuse sensation d’un manque de maîtrise de l’écriture... Si cet effet est volontaire, il est en tout raté pour mon cas.
Sur le fond, le tout manque de consistance et d’idées... La grande thèse de l’utopie présentée ici est la construction, perdu sur une île au milieu de nulle part, d’ “un monde gaucher qui serait en fait un monde à l’endroit”... Voilà typiquement un raisonnement littéraire bien foireux, dont le seul mérite est de constituer un demi-jeu de mot tout juste dicible à l’oral. Une idée sympathique, mais finalement bien simple et qui n’a pas la capacité d’aller aussi loin que les 300 pages au bout desquelles l’auteur entend l’étirer, jusqu’à notre écoeurement. Les quadras qui se posent des questions sur la vitalité de leur couple, tout au plus, pourront sans doute trouver un peu de matière à réflexion... Pour vous dire si le propos manque d’universalité.
Manque d’idées, mais aussi malheureusement de structuration des idées. Dans les 50 premières pages, certains concepts ont pu être répétés bien cinq fois, sans que chaque nouvelle itération n’apporte vraiment rien de nouveau. On a comme le sentiment que l’auteur n’a pas pris le soin de se relire, et a écrit son roman d’une traite... Mais n’est pas Gary qui veut ! N’est pas non plus Dostoïevski ou encore Zweig qui veut, car pour des traces de subtilité psychologique, on ira consulter quelqu’un d’autre. Je n’insisterai pas sur la mièvrerie de certaines pages dites d’amour, cela a déjà été décrit me semble-t-il dans des critiques précédentes, et j’ai lu le bouquin depuis trop longtemps pour me rappeler de passages concrets.
Au rayon des points positifs, l’histoire dépaysante - car utopique - est assez plaisante, et remplit finalement assez bien son travail si l’on considère que ce genre de romans doit être lu dans les transports en commun ou chez le coiffeur.