Je continue dans ma lancé de relire toute la saga Ewilan de Pierre Bottero, cet auteur qui a rempli mon adolescence de tant de tendresse et de beaux moments. J'avais un souvenir confus du tome 3 … Pour être tout à fait honnête, je ne me rappelais pas si il était digne du second ou à l'inverse retombait dans les difficultés de gestion de l'univers et des personnages que j'avais évoqué vis à vis du premier tome. Il faut dire que ce troisième tome est pour le moins étonnant en effet. On voit la fin de la quête d'Ewilan, une quête censée être légendaire. Or cette quête ne se termine pas avec le retour des Sentinelles et la fin de la guerre contre les Rais (tome 2) mais par les retrouvailles avec ses parents, happy end dégoulinant de naïveté qui me déplait par avance. Autant le dire immédiatement ces retrouvailles m'ont laissé assez froid, seul la réaction de Camille/Ewilan m'a vraiment plu, mais ses parents Altan et Elicia sont fades et lisses... Peut être parce qu'on ne les voit pas assez ? L'auteur avait il prévu que le tome 3 de la saga Les Mondes d'Ewilan développerait ce duo de personnages ? Ou imaginait il des personnages stéréotypés pour finir cette saga ?
D'ailleurs, de manière assez amusante, dans les bonus de ce tome, l'auteur reconnaît clairement avoir créé des personnages stéréotypés (femme rebelle qui cherche la liberté, chevalier bon vivant, maître d'arme véritable machine de guerre, vieil homme fatigué et qui s'énerve facilement). Est ce une manière d'annoncer par avance « la suite mettra fin à ses stéréotypes » ? On peut se demander, mais que Pierre Bottero se rassure, il a déjà arrivé à faire grandement évoluer Ewilan et ses compagnons avec ces trois « simples » tomes.
Comme je le disais ce tome reconfigure ce que l'on savait d'Ewilan. Les Sentinelles étant libérées, il n'y a plus la tension permanente des premiers tomes, il n'y a plus non plus le besoin de se presser. Ce tome apparaît comme plus doux, plus calme et plus centré sur le groupe de compagnons. Cependant, Chiam Vite et Artis Valpierre quittent rapidement la compagnie pour retourner chez eux, à mon grand regret. L'auteur remplace les deux par Siam, la sœur d'Edwin, aussi terrible que son grand-frère et Mathieu/Akiro, le frère d'Ewilan, qui apparaît comme bien plus sympathique que dans le premier tome. Si ces nouveaux arrivés peuvent être bien vu, on peut regretter cependant qu'un seul tome ne permet pas de les traiter assez. A mon goût ils sont également trop mis en avant. Bottero se dit « ils sont nouveaux, ils sont trop beaux » … Et donc, on voit moins Bjorn et Maniel … Quel dommage ! De la même manière, il aurait été de bon ton de continuer à voir Artis qui est censé évoluer. Le départ de Chiam Vite s'explique plus facilement pour sa part, étant libre, il peut décider du jour au lendemain de quitter un groupe pour partir vivre d'autres aventures. La gestion des personnages ne semble pas des meilleurs à première vue.
Pourtant dans le même temps, les personnages d'Ewilan et de Salim profitent clairement de cette mise à jour. Leur relation est plus belle, plus mise en avant même si c'est souvent avec la douceur des sous-entendus, ce qui sied parfaitement aux enfants qu'ils sont encore. Cela contrebalance l'échec de la gestion de Maniel, Bjorn, Siam et Mathieu … Edwin, Duom et Ellana sont encore une fois bien géré et forment un trio de « sages » qui sont toujours aussi utiles. Edwin ayant encore le droit à des grands moments très agréables.
En terme de personnage c'est un perdu pour un gagné, mais globalement on sort satisfait de la mise en place de ces différents protagonistes. Notons également que si Bjorn perd de l'importance à partir de l'arrivé d'Akiro dans la bande, ce ne fut pas le cas pendant une grande partie de l'histoire étant donné que c'est lui qui accompagne Camille et Salim dans leur monde d'origine. Le seul grand perdant de la troupe est donc Maniel.
Au niveau du scénario, je pense qu'on peut le dire, c'est le meilleur tome de la première trilogie. On peut regretter, comme moi, la perte de l'aspect grandiloquent de la quête, l'affrontement contre les Ts'liches manque pas mal … Cependant, loin de nous offrir une aventure cucul pour sauver ses parents, Ewilan a une vrai suite d'histoires très agréables à lire, et cependant assez peu complexes pour que nous puissions profiter du groupe d'amis. On lit Ewilan pour 3 raison : les personnages, l'univers et l'aventure. Or, cette dernière est suffisamment aérée pour que nous puissions profiter des personnages et Bottero nous amène dans quelques parties de Gwendalavir encore non explorées : l'archipel Alines et la Citadelle. Deux parties que l'on sentait importantes dans l'esprit de Pierre Bottero. Celui-ci en profite également pour développer un personnage important de cet univers : Merwyn Ril'Avalon, également appelé Merlin dans notre monde. Sans livrer tout les secrets de ce personnage et laissant une grande part à l'imaginaire du lecteur, Bottero nous montre un dessinateur ultime, faisant passer Ewilan pour une amatrice. Cependant il n'interfère que peu dans l'histoire, ça permet d'avantage à Bottero à nous montrer une légende dans la fiction. Un beau procédé rempli d'imaginaire.
La Citadelle est globalement un passage intéressant, la scène de duel entre Ewilan et la sentinelle félonne étant un passage d'une rare qualité. En même temps cette partie de l'histoire permet d'avoir de multiples discussions entre les personnages, moments de grande convivialités.
L'histoire nous ramène également dans le vrai monde. Or Bottero a eu bien du mal à en user dans le premier tome, je craignais qu'une nouvelle fois l'auteur le dénature ou du moins exploite mal les possibilités de ce monde non-féérique. Finalement ne pas l'avoir touché pendant un tome et demi lui a permis de le reprendre en main avec talent et ce fut une partie de l'histoire certes courte mais très appréciable. Les péripéties se suivant doucement et avec pile le bon tempo on ne peut que profiter clairement de cette lecture.
Le reste des aventures, jusqu'à l'Archipel Alines avec des périodes d'entrainement est agréable, mais sans plus pour autant. En gros, c'est bon, c'est sympas mais ce n'est pas le meilleur moment de l'ensemble de la saga. Comme je l'ai déjà dit je n'ai pas apprécié les parents, ni Ela Ril'Morinval (je me demande d'ailleurs si le personnage avait une connexion avec Merwyn). En effet, la sentinelle félonne est bien peu intéressante tant elle répond au stéréotype de la méchante sorcière face à la gentille adolescente. Comme pour les parents d'Ewilan, ce personnage sera amélioré avec la seconde trilogie. Malheureusement en attendant, la « bataille » finale du tome 3 manque de relief et est certainement une des scènes d'actions les moins intéressante. L'apparition du Dragon juste après la Dame quelques pages plus tôt est d'ailleurs carrément abusée si je puis dire.
En plus de l'histoire, du glossaire et des notes de débuts de chapitres (qui continuent à nous emporter dans le monde fabuleux de Gwendalavir et à développer les personnages secondaires comme l’Empereur par exemple), le livre contient un certain nombre de bonus. Bonus dans lesquels Pierre Bottero développe l'idée que le monde de la fiction existe réellement et que ces personnages arrivent dans la tête du romancier qui invente ensuite des histoires à partir de personnages fictifs qui existent réellement … Enfaite c'est un poil dur à comprendre. Bottero s'amuse à l'idée que ces personnages existent mais que leurs aventures sont des fictions que l'auteur met en scène. Ceci est la mise en place amusante de bonus (making of de certaines scènes et interviews de personnages où l'on voit qu'ils sont très différents de leurs apparences dans le roman). Mais, de l'autre côté, il y a un aspect plus puissant de la pensée, Bottero, qui malgré le fait d'être un écrivain de fantastique pour les adolescents, reste un héritier de Zola, garde à l'idée que les personnages importants sont libres et qu'on ne peut influer sur leur caractéristiques. Ils avancent librement dans une histoire que l'auteur « met en scène » en mettant des obstacles face à eux. Une idée peut être un poil naturaliste mais qui m'apparait plutôt comme la condition nécessaire pour avoir une logique interne vis à vis des personnages dans toutes œuvres de fictions.
Bien qu'amusant, ces bonus n'en restent pas moins constructif pour mieux comprendre ce faiseur de rêve qu'était Pierre Bottero.
Je vais finir ma critique en soulignant que je viens de dire que Bottero était un faiseur de rêve. C'est on ne peut plus vrais, il a créé un univers fantastique qui a pour but de provoquer en nous des rêves féériques, et ce tome 3 d'Ewilan y arrive particulièrement bien. La gestion confuse de certains personnages, suite aux départs de certains et à l'arrivé de nouveaux ne le rend pas parfait. Comme une quête qui apparaît comme moins grandiloquente que la précédente. Cependant, malgré ces défauts, Bottero nous amène dans ce monde merveilleux de Gwendalavir, dans cette bande de joyeux compagnons si courageux, dans un monde de fééries. Bottero nous offre des moments de rêves et de douceurs. Il apaise notre âme même si ce n'est que pour quelques heures. Un excellent moment, empli de douceur, qui me fait frisonner à l'idée que la saga suivante, bien que féérique gagne une obscurité de réalisme qui la rend tellement apréçiable.