Contrairement à ce que l’indication Boileau-Narcejac figurant sur la couverture laisse entendre, il s’agit d’un roman écrit à quatre mains, par Pierre Boileau et Thomas Narcejac, duo connu notamment pour Celle qui n’était plus adapté au cinéma par Henri-Georges Clouzot sous le titre Les diaboliques (1955). Ce qualificatif de diaboliques pourrait s’appliquer aux auteurs qui concoctent ici une intrigue renouvelant à leur façon l’énigme classique du meurtrier qui s’évapore littéralement, comme le signalent unanimement les témoignages (fiables).


Tout commence un été, dans une usine de Courbevoie où l’on travaille à l’exploitation du nucléaire à destination de l’industrie française. Deux collègues ingénieurs (Renardeau et Belliard) rentrent de leur pause déjeuner pour entendre un troisième (l’ingénieur-chef Sorbier) appeler désespérément à l’aide depuis la fenêtre ouverte de leur bureau, à l’étage… quand un coup de feu les alerte. Mais, à l’étage ils trouvent Sorbier mort d’une balle en pleine poitrine. Entre le coup de feu et la découverte du corps, quelques secondes à peine se sont écoulées, mais aucune trace de l’irruption ou de la fuite de l’assassin ! Au chapitre des faits, il faut ajouter que Renardeau et Belliard trouvent dans le bureau de Sorbier le coffre-fort ouvert et vide, alors que l’ingénieur-chef y conservait un gros tube avec du matériel radioactif à l’intérieur. Appelé pour faire les premiers constats et entamer son enquête, le commissaire Mareuil n’y comprend rien. A vrai dire, le lecteur (la lectrice) reste également dans le flou, même si on se doute bien que tout cela cache quelque chose qui finira probablement par paraître logique et évident.


Relativement court (215 pages) et dans un style neutre agrémenté de dialogues, ce roman policier se lit d’autant mieux qu’il dévoile suffisamment d’éléments au fil de l’enquête pour donner à réfléchir. Ainsi, l’énigme façon chambre close verra d’étranges répliques. Il date de 1959, soit 15 ans après la fin de la Seconde guerre mondiale, ce qui se sent dans les états d’esprits. Plusieurs personnages évoquent des souvenirs d’anciens combattants. D’autre part, le nucléaire en France en était à ses balbutiements, en gros à l’état de recherche. Globalement, le personnel travaillant dans l’usine en question est trié sur le volet, insoupçonnable. Quant à l’ingénieur-chef Sorbier, il apparaît comme un homme presqu’entièrement dévoué à ses travaux de recherche, quasiment considéré comme propriétaire du tube disparu, fruit de ses travaux. Des travaux dont il ne parlait pas trop à sa femme Linda, une charmante blonde d’origine suédoise, une femme de classe. Bref, tout ce petit monde évolue dans ce qu’on appelle alors la bonne société. C’est ce que comprend rapidement Mareuil, un homme dont on ne sait pas grand-chose en dehors de son physique, mais qui cherche surtout à ne pas faire d’interprétations hâtives. Il veut se concentrer sur les faits. Malheureusement, ceux-ci le mettent devant un cas incompréhensible. Le seul véritable indice qu’il découvre ne le mènerait-il pas vers une fausse piste ? Belliard étant un ami de longue date, Mareuil en fait une sorte d’adjoint improvisé pour son enquête.


Il faut bien dire que les auteurs nous mènent en bateau de façon habile. Ce qui déconcerte Mareuil nous déconcerte également. On finit par comprendre que les auteurs jouent avec nous, en nous présentant les faits selon un certain point de vue, de façon à nous dissuader de raisonner autrement et surtout de la façon qui permettrait de démêler les fils de l’intrigue. Il faut donc être particulièrement fin et perspicace pour sentir par quel bout attaquer cette énigme. A noter quand même que le titre apporte déjà un sous-entendu méritant considération. Paru initialement sous forme de feuilleton dans Le Figaro ce roman fit alors l’objet d’un concours. A vous de jouer ?!

Electron
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le 19 sept. 2023

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