Voltaire... Je n'ai jamais été spécialement d'accord avec toi... Mais encore, tes prises de position dans Candide et Zadig n'étaient pas aussi fortes que là. Tes idées, je te le dis tout de suite, je ne suis pas d'accord avec. Parce qu'en gros, ce bouquin, c'est quoi? Un type qui débarque encore frais et naïf d'Amérique, et qui critique la société française. Mais après ça dégénère. Toi, François-Marie, tu fais dégénérer le tout. Tu nous expliques que quand on vit chez des amérindiens, on ne peut pas être intelligent. Car seule la culture européenne est apte à former un esprit vif (et là l'ethnocentrisme que tu reprochais à tes personnages au début se retourne contre toi gros malin). Tu nous dis que l'éducation des jeunes est inutile. C'est à peine si tu n'expliques pas qu'il faudrait attendre un certain âge pour voir si quelqu'un mérite d'être éduqué ou non, éliminant ainsi toute possibilité d'éducation dans l'égalité des chances.
Comme Rousseau, je t'admires, car ton esprit rebelle et satyrique aura réussi à donner cet aspect irréfrénable et ce coup de fouet aux Lumières, mais je déplore que tes idées n'aillent pas plus loin que ça.
Les amérindiens ne deviennent qu'une excuse. Tu finis par ne les traiter que comme un passé oublié et honteux, ils ne sont plus que des stéréotypes. Après tout, c'est ta manière de fonctionner, mais en faisant ça tu rentres dans ce dont tu te moques chez les européens. Tu n'utilises pas des choses qui aurait pu être intéressante, tu passes assez vite l'idée de la confrontation des univers, tu aurais pu faire des critiques de nombreuses autres choses, comme la propriété ou l'argent, et ton Ingénu est quand même vachement européen comme type.
Après, peut-être que je n'ai pas assez lu ton conte philosophique dans son contexte, que j'ai décidé de le juger selon ses qualités intrinsèques.
Mais peu importe ! Tu gardes ce style unique, vif, net, passionnant, et cette langue dorée, cet humour, et parfois même ce lyrisme, au service de tes idées, après tout, et tu manies la langue française tellement bien que je ne peux mettre en-dessous de 6.
Allez, salut, Arouet !