L'Insomnie des étoiles par BibliOrnitho
Nous sommes en 1945. En début d'année. La Seconde Guerre Mondiale est bientôt terminée, les Alliés avancent de toute part, tant sur le front Est que sur le front Ouest. L'armée allemande, exsangue, recule. Mais nombre d'Allemands, par une confiance exagérée ou un manque d'information y croient encore et demeurent convaincus de leur victoire prochaine.
C'est dans ce contexte que l'unité française du capitaine Louyre, récemment débarquée en Sicile, se voit confié l'occupation et l'administration d'un petit canton du Sud de l'Allemagne. Canton apparemment sans importance n'ayant pas abrité de garnison ennemis et n'ayant jamais été bombardée. Une planque ennuyeuse à l'écart des routes stratégiques pour un officier peu considéré de sa hiérarchie.
Dès son arrivée, l'unité investit une ferme occupée par une adolescente du nom de Maria Richter. La jeune fille y vit seule depuis de longs mois : sa mère est internée en « maison de repos » et le père est partie sur le front russe duquel il a envoyé une série de lettres à sa fille qui n'a pu lire que les deux premières. Ayant perdu accidentellement ses lunettes, elle se trouva tout à coup très handicapée et dans l'impossibilité de lire. L'unité découvre également les restes d'un corps calcinés. Les explications apportées par Maria sont confuses. Louyre l'emmène donc avec lui et la garde auprès de lui, lui donnant une chambre dans les locaux que les militaires occupent. Immédiatement, le capitaine pressent un lien mystérieux entre le corps brûlé et la brusque fermeture de l'hôpital local entièrement vidé, et de ses patients, et de son mobilier. Pour le moins étrange en temps de guerre. Opiniâtre, Louyre mène son enquête : dans un jeu de dupes, il s'entretient longuement avec l'ancien directeur de l'établissement et finit par découvrir la sordide vérité.
L'Insomnie des Etoiles est un témoignage sur les horreurs orchestrées froidement, méthodiquement par les nazis dès 1938. A l'époque, on ne parlait par encore de solution finale, mais la finalité était la même : libérer de la place dans les hôpitaux en vue du conflit que l'Allemagne avait déjà décidé, améliorer la race en empêchant les sous-hommes de se reproduire (malades mentaux) et d'abréger les souffrances des Allemands de souches malades et condamnés : c'est « l'euthanasie par faveur ». Les juifs sont exclus de ce programme comme Louyre l'apprend du psychiatre. Pour eux, le Führer a d'autres projets. Les médecins commencent donc à trier les patients, les convois de condamnés s'enchainent, partant pleins et revenant vides. La folie collective semble toucher tout le monde. Pourtant, deux personnages m'apparaissent comme sains d'esprit et offrent un contraste saisissant avec leur entourage : Clara Richter, la mère de Maria, internée et déclarée déprimée puis folle pour s'être plainte du désintérêt de son époux et avoir critiqué les orientations de l'Allemagne nazie. Le second personnage est le capitaine Louyre lui-même, qu'à la fin du livre un général incite à consulter un psychiatre, le trouvant un peu toqué suite à son obstination dans sa recherche de la vérité. Deux personnages marginalisés et montrés du doigt par une société en mal de repères.
Un livre prenant et noir. Une écriture somme toute classique mais qui parvient néanmoins à garder une froideur, une sobriété bienvenues dans la terrible description (mais par ailleurs bien connue) du génocide nazi.
Une interrogation tout de même quant au titre du livre. Les cieux (étoiles) ont t-ils été tenues éveillés par la barbarie de la guerre ? Ou les étoiles font-elles références à celles ornant les épaulettes des généraux dont l'un d'eux apparait dans les dernières pages du livre ? Ou encore est-ce une allusion aux tourments du capitaine Louyre, astronome de profession avant le conflit ?