C’est un titre d'essai, «L’intérêt de l’enfant», mais il s’agit bien d’un roman dont l’auteur, Ian McEwan, a beaucoup investigué… et y a pris goût en l’adaptant à l’écran (actuellement en salle). Ce livre nous parle d’amour, de passion, de religion, de médecine, du métier de juger, de justice et du droit, de moral et beaucoup des enfants.
C’est par l’amour qu’il commence ou plus exactement par sa fragilité voire sa déliquescence…. Il nous raconte l’histoire d’un professeur universitaire et d’une magistrate. Contrairement à la “règle” c’est elle qui est super occupée par un métier absorbant. Depuis longtemps que leur vie de couple sans enfants, se délite. C’est tout au moins ce qu’il ressent, qu’il finit par dire jusqu’à tirer la sonnette d’alarme avec une “jeunette”…
La toile de fond est posée, l’instabilité affective que cette insécurité suscite va traverser les pages du roman tout en relevant la passion, celle du métier de Juge qui, finalement c’est tout simplement le choix d’exercer son métier avec rigueur et engagement.
L’incertitude créée par l’alerte de son mari, touche affectivement cette femme-Juge, de grande réputation, reconnue par son jugement dans les canons du droit et de la justesse humaine.
Juge aux Affaires Familiales c'est s'occuper des divorces, des litiges liées à la séparation des couples mariés ou pas, des questions concernant l'autorité parentale, le droit de visite, la résidence alternée, et notamment l'intérêt de l'enfant, notion subjective et pourtant essentielle pour le devenir et la croissance d'un enfant.
Et justement, cette période sera traversée par plusieurs affaires la confrontent plus particulièrement à l’intérêt de l’enfant. Les affaires auxquelles elle doit répondre ou, plus précisément, dire le droit sont déterminés par la religion, par la croyance des parents.
D'abord, il y a l'histoire d'une mère en conflit avec son mari, et sa famille, car elle veut que leurs deux filles poursuivent des études alors que pour la communauté juive dont ils font partie une femme doit se consacrer à son foyer et à la maternité.
Ensuite un drame se joue sur les suites médicales à donner à des frères siamois. S'il n'y a pas d'intervention chirurgicale, les deux enfants vont mourir, en revanche une opération permettra de sauver un et, de ce fait donner la mort à l'autre. Les parents, catholiques pratiquants s'y opposent. Puisque “Dieu a donné la vie seul lui peut la reprendre*...”
C'est alors qu'elle est saisie par l'affaire qui sera la plus développée et qui se croise, tout le long du livre, avec la vie personnelle de Fiona Maye, la magistrate.
Il s'agit d'un adolescent à quelques mois de sa majorité atteint d'une leucémie sévère. Une transfusion sanguine doit être pratiquée ce que les parents refusent, ne pouvant pas admettre que le sang d'un autre circule dans le corps de leur fils. Les arguments scientifiques de l'hématologue au nom de l'hôpital soulignent l'urgence de l'intervention. Les convictions et la croyance des parents, Témoins de Jéhovah, soulignent le parcours de vie et les soins et l'accompagnement qu'ils portent à leur garçon soutenus pour cela par leur communauté.
Il est dit aussi que le jeune, très intelligent, apprécié par le corps médical, est d'accord avec la position des parents. C'est ce fait qui conduit la Juge à décider, à la surprise de tous les acteurs du procès, d'entendre Adam, le jeune malade. Pour cela il faut se rendre à l'hôpital ce qu'elle fait sur le champ.
De cette rencontre, naît une relation forcément éphémère, qui aura des effets sur le jeune Adam et la Juge Fiona. Et reste la religion, que faire, comment faire, comment dire lorsque l'intérêt de l'enfant est confronté à celui des croyances des parents?
La qualité de ce roman me semble concerner cette complexité devant des faits sociaux, qui sont aussi religieux voire politiques, où «trancher» dans la rationalité ou le raisonnable des choses ne se définit pas par un article du Code de Droit, même si, en dernier ressort c'est le droit qui sera évoqué pour qu'une décision soit prise. «Cette cour est une cour de justice, non un comité d'éthique, et nous avons donc pour devoir d'appliquer les textes de loi pertinents à la situation qui nous est présentée -une situation unique en son genre», évoque Fiona citant le Juge Ward, de la Cour Suprême des États Unis en 1872.
L'engagement de cette Magistrate, par la plume alerte d' Ian McEwan, c'est de s'engager auprès de ceux qui n'ont pas eu le «coup de chance de venir au monde avec ses organes intacts et au bon endroit, d'être né de parents affectueux et non pas cruels, ou bien d'échapper, sous l'effet du hasard géographique ou social, à la guerre ou à la pauvreté». Cela dépasse les affaires familiales mais ça nous permet de questionner l'intérêt de l'enfant dans la protection de l'enfance, à Londres mais aussi en France et dans ce que vivent de plus en plus les enfants en situation de précarité dans ce pays.
https://blogs.mediapart.fr/arthur-porto/blog/100818/l-interet-de-l-enfant-et-des-parents