Nicolas Werth, historien, spécialiste de l’histoire de l’union soviétique, directeur de recherche à l’institut du temps présent, nous livre avec L’ivrogne et la marchande fleur, une étude qui encore une fois s’impose comme une référence.

Dans cet ouvrage l’historien nous livre une étude qui se concentre sur les années 1937-1938 en Union Soviétique, mais pas comme tout le monde pourrait penser, sur les fameux procès de Moscou, qui entrainèrent une purge au sein de l’administration et de l’appareil d’état. Mais il aborde une chose beaucoup moins connue, et qui pendant longtemps, jusqu’à l’ouverture des archives de l’Union Soviétique dans les années 90 suite à la chute de l’URSS, était un évènement bien peu documenté, la face cachée de ces grandes purges. Ce que j’appellerais la purge des petites gens. Car en parallèle Staline lança de manière secrète une véritable chasse à l’ennemi au sein de la population de l’Union Soviétique. Qui en résumant concernait tous les « ennemis » de l’URSS, que cela soit de façon prouvée ou supposée. Entre volonté de purger les poux de la société, de maintenir son autorité de la part de Staline, la volonté des dirigeants provinciaux de se faire bien voir par le pouvoir central et faire mieux que ses collègues… cela a amené le processus à s’accélérer de manière continu et qui a conduit à l’exécution de plus de 700000 personnes, en 1 an et demi, ce n’est pas rien, et si on ajoute les morts de la famine d’Ukraine et les autres exécution du régime pendant tout le règne de Staline, on peut bien considérer le petit père des peuples comme un des plus grands assassins de l’histoire, notamment aux côtés de Hitler et de Mao.


Nicolas Werth montre très bien dans son ouvrage, la véritable criminalisation de la société de l’Union Soviétique, période où n’importe qui peut être accusé d’hostilité au régime. D’où le titre de l’ivrogne et la marchande de fleurs, le cas de l’ivrogne qui est d’ailleurs le premier exemple dans le livre et qui suffit à comprendre tout le développement du livre tellement celui-ci est frappant…

L’historien montre ainsi dans son étude, que véritablement n’importe qui peut être accusé… de n’importe quoi ! Outre l’appellation des victimes d’ « ennemis de la révolution » assez flou, il donne une classification très précise des différents individus à rechercher, que cela soit des anciens koulaks, des individus d’origines étrangère (en particulier ceux de la frontière ouest), des anciens membres de partis de l’ancien régime, de personnes qui émettent des réserves sur la collectivisation…

Bien sûr la justice, si on peut l’appeler ainsi, n’est pas très regardante, et il est effarent de voir le processus de condamnation qui avait cours, entre faux témoignages, falsification, torture… pour d’ailleurs un résultat très binaire, soit on exécute soit on envoie au Goulag.

Comme tout bon historien Nicolas Werth s’appuie sur de nombreuses sources, et ici je dirais de très bonnes, car il travaille directement à partir de documents du régime soviétique, que cela soit des archives des services secrets du NKVD, du parti bolchevique, ou des correspondance entre Staline et ses principaux ministres. Ce qui est très bien fait de la part de Nicolas Werth est le fait qu’il nous donne dans son livre des documents entiers de l’époque (traduit bien sûr), ce qui renforce le propos du livre, quand on lit les différents témoignages de tel ou tel individus ayant participé à ce massacre. Cela donne vraiment un aspect très percutant au livre.



Bon bah voilà, je ne vais pas non plus raconter tout le livre. Que dire de plus sinon que ce livre est vraiment très intéressant, sans doute un des meilleurs que j’ai lu, et qui a la bonne idée d’aborder un thème peu connu.
Je serai bref, amateur d’histoire, jetez-vous dessus !

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le 25 avr. 2013

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