Un détective attachant "à la Montalban" et un chat nommé Simenon : respect.

Publiée en 2008 et traduite en 2011, cette nouvelle enquête du détective Heredia, et de son chat Simenon, poursuit l'exploration du Chili de l'après-dictature, de ses dissimulations et de ses hypocrisies.

"Personne ne frappait à ma porte et, comme si ce n'était pas suffisant, les agences de détectives privés se multipliaient dans l'annuaire téléphonique ; certaines avaient même le culot de glisser sous ma porte des prospectus proposant leurs services dans la recherche de véhicules volés ou d'antécédents judiciaires, les filatures de conjoints infidèles, les preuves de paternité en laboratoire, la surveillance des nounous par microcaméras et les enquêtes cybernétiques. Sale temps pour un détective tout juste capable d'offrir à ses clients son flair aléatoire et la certitude de ses doutes."

"L'endroit semblait avoir été meublé avec les restes inutilisables de bars plus prétentieux. Aucune des tables et des chaises n'était pareille aux autres, déglinguées et bancales, elles avaient l'air d'avoir difficilement survécu à une attaque de vandales. Mais rien de tout cela n'avait apparemment d'importance pour les clients et les serveurs qui couraient d'une table à l'autre comme des infirmiers secourant des victimes sur un champ de bataille."

"Des peurs ? La plupart des gens n'en manquait pas. Peur du passé, du chômage, d'une agression dans la rue, d'être victime d'un vol, de se sentir coupable, d'aller en prison pour dettes, du chef qui contrôle la pointeuse. Une peur enkystée dans la peau d'un pays qui cache ses vérités sous une chape de mensonges consensuels."

"Dès le début, j'ai su que nous ne serions pas éternellement en sécurité et qu'un jour on nous demanderait des comptes, alors je me suis préparé pour ce moment-là. (...) Quand l'un des nôtres se retrouve devant les tribunaux, il a l'obligation d'omettre dans ses déclarations le nom des camarades qui ne sont pas encore suspectés. L'important, c'est de retarder les enquêtes judiciaires. (...) Les nôtres doivent ainsi repousser les attaques de ceux qui veulent se venger de la défaite infligée par les militaires aux individus qui voulaient imposer le communisme dans le pays."

Détective "à la Montalban", qui lit et commente Hammett, Scerbanenco, Pronzini ou encore Marc Aurèle, détective "à la Paco Ignacio Taibo II" aussi, qui se bat dans un pays où trop de personnes ont intérêt à toujours couvrir les crimes des puissants, Heredia mérite toute notre attention. Et un chat nommé Simenon mérite évidemment le respect.
Charybde2
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le 9 sept. 2011

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