Bathed in Silver, or drowned in Gold
Neil Gaiman disait dans une intervention promotionnelle pour ce livre qu'il ne ressemblait à rien de ce qu'il avait écrit. Ce n'est pas tout à fait vrai. On y retrouve intact son amour pour les mythes et légendes, pour les Anciens, les créatures en marge de notre création, la poésie des replis du langage. Entre chaque livre de l'auteur, j'oublie à quel point Neil Gaiman est plus un conteur qu'un écrivain à proprement parler. Rare sont ceux qui savent raconter une histoire, passionner sans fatiguer, séduire sans ruse, simplement par la beauté pure de leur propos.
Oui, Gaiman est un fantastique conteur, en plus d'être un écrivain magistral, fin et cultivé.
Mais tout ça, on le savait déjà, en même temps.
L'Océan au bout du Chemin évoquera parfois - très indirectement - la saga de Pullman, dans sa façon d'aborder des archétypes ancestraux, des réalités terribles et complexes à travers le regard d'un enfant éclairé, son analyse sans fard, sa capacité à intégrer les marges de la réalité sans le filtre rationalisant des adultes. Le style est frais sans que le procédé soit lourd ni abrutissant, ce qui n'empêche pas le livre d'être parmi ses récits les plus sombres.
Vous remarquerez que je ne parle pas de l'histoire, de cet homme qui revient sur la terre de sa jeunesse à l'occasion d'un enterrement, de la façon dont les souvenirs de sa jeunesse reviennent à lui, je ne parle pas de la madeleine de Proust, malgré l'analogie marquée à plus d'un titre. De l'épique aventure d'enfance que l'adulte revit par procuration, avec la clarté évidente et vivace d'un rêve qui se dérobera néanmoins immanquablement au réveil, ne laissant qu'un arrière goût doux-amer. Ni de cette gamine, Lettie, qui a 11 ans probablement depuis une éternité, et qui vit avec sa mère et sa grand-mère. Ni des secrets que cette famille détient. Ni des lovecraftiennes créatures voraces habitant dans les marges. Ni de cet océan, de cette mare, de l'Ancien Pays.
Je n'en parle pas parce que c'est un livre qu'il faut vivre. Neil Gaiman parle de légendes, de dieux, de monstres et merveilles, de nourriture, de souvenirs et de l'oubli, aborde l'enfance avec un regard mature, l'âge adulte avec innocence, et fait rêver, qu'il nous raconte des aventures ou nous décrive un repas campagnard.
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