J'ai toujours trouvé que Neil Gaiman était un bien meilleur novelliste et scénariste que romancier (même si j'ai pris beaucoup de plaisir à lire ses romans). Au début de son écriture, "The ocean at the end of the lane" devait être une nouvelle. Mais au fur et à mesure qu'il avançait dans son texte, Gaiman s'est rendu compte qu'il avait la matière pour faire un (court) roman. Et de cette naissance hybride, ce titre garde les qualités des uns et les défauts des autres.
On retrouve dans certaines scènes le côté percutant des nouvelles de Gaiman. Certains passages sont des concentrés d'émotion, comme le début qui réussit en quelques paragraphes à installer une mélancolie palpable, ou la fin, toute en émotions contradictoires. Il y a des scènes qui marquent, et dont je suis à peu près sure de me rappeler dans dix ans (tout comme j'ai de vifs souvenirs de certaines nouvelles de "Miroirs et fumée").
Des romans, ce livre garde une petite tendance à être un peu long sur le milieu de l'intrigue, quand le récit devient plus classique, accumulant en péripétie ce qu'il perd en force.
Le résultat de cette alchimie est un roman parfois bancal, mais aussi profondément marquant et attachant.
Bancal comme cette incapacité à le classer : roman adulte pour les uns, jeunesse pour les autres. Si l'intrigue et ses péripéties peuvent s'adresser à un public aussi jeune que le narrateur, les thématiques abordées s'adressent, à mon avis, nettement plus au lecteur adulte. Gaiman nous parle des souvenirs d'enfance, de leur force, de la manière dont ils se modifient avec le temps. Si le héros-narrateur est un enfant, c’est avec ses yeux d'adulte qu'il revisite les événements.
Pour le reste, on retrouve bien la patte propre à l'auteur, avec son univers fantastique qui borde notre monde, ses créatures hors du temps, merveilleuses ou malveillantes, et les autres monstres bien humains ceux-là (la figure la plus effrayante n’est d'ailleurs pas, à mon avis, celle de la créature qui se fait appeler Ursula Monkton, mais celle du père avec ses colères dévastatrices).
J'ai du mal à savoir si ce titre se place parmi les meilleurs Gaiman. Il y a ce petit côté "accumulation de péripéties fantastiques" qui m'empêche d'être totalement enthousiaste. Il y a aussi la certitude que certains passages resteront gravés en moi pendant longtemps. Ce qui est sûr, c'est que c'est un roman à lire, tour à tour page turner et réflexion mélancolique, et que les amateurs de l'auteur et de fantastique y trouveront leur compte.
"Les adultes non plus, ils ressemblent pas à des adultes, à l'intérieur. Vus de dehors, ils sont grands, ils se fichent de tout et ils savent toujours ce qu'ils font. Au-dedans, ils ressemblent à ce qu'ils ont toujours été. A ce qu'ils étaient lorsqu'ils avaient ton âge. La vérité, c’est que les adultes existent pas. Y en a pas un seul, dans tout le monde entier."
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