Il existe depuis des années une vogue certaine du genre post-apocalyptique, qui a accouché de quelques oeuvres littéraires majeures (L'Année du Chien (Deon Meyer), Station Eleven (Emily St John Mandel), Dans la forêt (Jean Hegland), La Constellation du Chien (Peter Heller), La Route (Cormac McCarthy), pour n'en citer que quelques-uns).

Bizarrement, il y a moins de romans apocalyptiques. Ceux qui racontent le moment de l'effondrement, qui relatent la catastrophe au moment où elle se produit. Il y a peu, Ken Follett s'y est risqué dans Pour rien au monde, roman passionnant dans sa manière de décrypter l'escalade menant au désastre, mais tristement mal écrit et plombé par une psychologie balourde.

En 1983, le cultissime Luke Rhinehart, auteur du cultissime Homme-Dé, avait pourtant signé un excellent texte apocalyptique, qui nous parvient enfin, pour la première fois, grâce au travail acharné des éditions Aux Forges de Vulcain - dans lequel il faut souligner l'apport déterminant du traducteur Francis Guévremont.

Et quelle lecture ! Aussi effroyable qu'addictif, le roman raconte, heure par heure, la chute des bombes atomiques qui rasent toute vie en quelques secondes et rayent de la carte la moitié du monde et des millions d'âmes. Et, au milieu du chaos, un petit équipage échappant au désastre sur un voilier en pleine mer, et cherchant une terre épargnée où se poser pour tenter, ensuite, d'amorcer une hypothétique reconstruction.

Étant donné l'état actuel du monde, et les agitations incessantes d'une poignée de cinglés se tenant hélas aux commandes de la planète, vous n'aurez peut-être pas envie de vous confronter à un roman évoquant le pire des possibles nous menaçant. Vous auriez tort. D'abord, c'est un excellent suspense, sans temps mort, qui tient debout par la subtilité de ses personnages (alors même que certains risquaient de se limiter à des clichés sur pattes), des pincées d'humour bienvenues dans un océan de douleur et de violence, et une construction implacable vous empêchant de renoncer à votre lecture.

Ensuite, la clairvoyance de Rhinehart peut aider à comprendre et à affronter le plus effarant des sujets, ce qui n'est pas plus mal que de faire l'autruche en prétendant qu'il ne se passe rien autour de nous.

Je n'irais pas jusqu'à prétendre qu'il faudrait d'urgence faire lire ce livre à Poutine, Biden et consorts, parce que ça ne marche pas comme cela, hélas ; aucun roman ne saurait sauver le monde de la folie des hommes. Néanmoins, en tant que citoyen impuissant dont la seule arme est l'intelligence, la curiosité et la volonté de comprendre, j'ai trouvé que L'Odyssée du Vagabond faisait un excellent compagnon.

ElliottSyndrome
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le 22 févr. 2023

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