Adie, jeune artiste new yorkaise désabusée, rejoint un projet énorme, une création d'univers virtuel nommé "la caverne". Elle se lance à corps perdu dans ce projet, dans lequel elle imagine que l'utilisateur peut se promener pour visionner des oeuvres d'art ; très loin de là, un professeur d'université est pris en otage par un groupe de fanatiques de l'islam, et se crée un univers de rêve pour survivre sans devenir fou. Apparemment, les histoires n'ont pas de lien, et celui-ci n'est révélé qu'à la fin du roman, laissant apparaître une touche de fantastique et de mystère.
J'ai trouvé fascinante cette immersion dans la création de la Caverne, qui rassemble des personnages si différents, et si attachants, comme Powers s'entend à merveille à créer : les geek pur jus, qui ne décrochent jamais du clavier, les anciens poètes, artistes à la dérive, les amoureux du virtuel et du rêve... On y découvre, ou redécouvre, les chefs-d'oeuvre de la peinture, brillamment décris, et commentés avec passion par l'équipe. En particulier, il y a toute une discussion autour d'un tableau de Gauguin, complètement surréaliste et jubilatoire. A côté de ça, j'ai eu du mal à suivre les descriptions laborieuses relatives à la technologie, que ce soit en matériel ou pire, en logiciel, même si le style d'écriture me plaît : "les algorithmes de collision avaient déjà valu à l'équipe de lourdes dépenses en mois-hommes. Il ne suffisait pas q'un vulgaire champignon cultivé dans la Caverne eût l'air véritable. Même le plus insignifiant devait peser son poids et opposer une résistance. Comme leurs homologues du réel, tous les objets simulés dans la grotte que figurait le simulateur étaient sensés plier, s'affaisser, s'abîmer et conjuguer quelques dizaines d'autres verbes quand on les heurtait". Il y en a beaucoup de ce style et j'avoue que j'ai parfois décroché...
La capture de Martin, le professeur, dévide un autre registre, celui de l'isolement, la souffrance, et le désespoir qui le pousse à se recréer un monde où il peut se réfugier, se cacher de ses geôliers ; le lien avec le premier récit, c'est l'évasion dans un autre univers, que l'on peut à loisir modeler selon son goût. Et pour découvrir finalement que "il est une vérité que seule la solitude révèle".