L'Ours
6.8
L'Ours

livre de Andrew Krivak (2020)

L’ours est à ranger dans la catégorie post-apocalyptique, puisque nous suivons le parcours d’un homme et de sa fille qui sont clairement présentés comme les derniers représentants du genre humain. Ceci dit, le roman ne s’intéresse pas du tout aux questions fondamentales du genre. Inutile donc de chercher à quelle catastrophe ces deux humains survivent. Inutile aussi d’attendre le moindre questionnement par rapport à leur condition de derniers représentants de l’humanité. Ce qui intéresse l’Américain Andrew Krivak c’est plutôt de montrer l’intégration de ces deux humains à l’élément naturel. On remarquera au passage qu’aussi bien le genre animal que le genre végétal ne semblent pas avoir souffert d’une quelconque catastrophe, alors qu'on n'observe aucun signe de civilisation. Il est vrai que les derniers représentants humains ne peuvent compter que sur leurs jambes pour se déplacer, ce qui limite considérablement leur rayon d’action. Ils ont quand même une côte océane à leur portée.


L’homme et sa fille ne sont jamais nommés (écho de La route de Cormac McCarthy). Au début la petite n’a que cinq ans et, après la dégustation d’un bol de fraises, son père lui souhaite son anniversaire en lui offrant un coffret où elle trouve un peigne en argent, objet ayant appartenu à sa mère. Peu à peu, l’homme parle donc de sa mère à la fille qui, tout en grandissant, gagne en curiosité et en capacités. L’homme lui explique ainsi que sa mère n’a pas survécu longtemps à l’accouchement et qu’elle est enterrée sous une dalle de pierre au sommet d’une montagne où une pierre à la vague silhouette d’une tête d’ours domine. Tous les ans, pour l’anniversaire de la fille, ils décident d’y monter pour une sorte de pèlerinage familial.


L’homme considère comme une priorité d’apprendre tout ce qu’il peut à sa fille, en pensant au jour où elle se retrouvera seule. Ce qui ne l’empêche pas de meubler sa jeunesse en lui racontant des histoires, comme tout papa digne de ce nom.


L’une de ces histoires s’avère ici fondamentale. Il s’agit de celle de l’ours qui a sauvé un village entier : un conte avec un ours malin se jouant d’un roi ayant institué un impôt injuste envers ses concitoyens. Dans ce conte, tout ours qu’il est, l’animal se comporte à la manière d’un humain, parlant, dansant et réfléchissant en faisant la part du bien et du mal. L’histoire fait tellement d’effet sur la fille qu’elle va côtoyer un ours et d’autres animaux à partir du moment où, encore bien jeune, elle se retrouve effectivement seule.


C’est assez particulier, car cela comporte des scènes qui donnent une impression de fantastique léger, un peu comme si elles n’étaient que des rêves ou bien des fantasmes de la fille. A moins que l’auteur cherche à nous introduire dans un univers où les limites diffèrent de celles que nous connaissons, un peu comme s’il voulait donner corps à un conte de son cru. En gros, il nous demande non pas d’adopter de nouvelles croyances mais de considérer que d’autres possibilités s’offrent aux humains, pour peu qu’ils veuillent bien y croire (à la façon de ceux qui avancent que nous n’utilisons que 10 % des capacités de notre cerveau). Autrement dit, il nous incite à retrouver notre âme d’enfant pour croire que les animaux peuvent cohabiter avec les humains non pas sur un même pied d’égalité, mais avec respect et estime réciproques permettant de se côtoyer en bonne intelligence, ce qui irait jusqu’à faire attention les uns aux autres en toutes occasions. Ce qui n'empêche pas les humains de continuer à pêcher et chasser, car il faut bien vivre.


Tout cela pour dire que si ce roman rappelle certains jalons de la littérature post-apocalyptique, il évite tout « A la manière de » pour creuser son propre sillon. Ce qui n’empêche pas les habitués du genre de regretter les manques déjà évoqués. En effet, bien des passages nous font oublier ce genre, pour nous emmener dans un univers de conte, avec la survie et le devoir de mémoire comme arguments majeurs. La lecture est assez prenante et n’occupe pas trop longtemps (157 pages, en chapitres de longueurs inégales), mais n’atteint pas non plus l’inspiration stylistique des meilleurs du genre. La narration se concentre essentiellement sur les actions des personnages et les descriptions de milieux naturels n’atteignent pas le lyrisme qu’on pouvait espérer.

Electron
6
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le 18 sept. 2024

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