Aussi romanesque qu'une fan-fiction de Pokémon
Cela fait quelques années que je n'avais plus ouvert un bouquin de Werber. J'avais encore en image son scénario des "Fourmis", recopié sur chacun de ses livres de la manière suivante : une enquête alliée à quelques références scientifiques, une promotion de son "Encyclopédie du savoir relatif et de l'absolu" (ainsi toutes ses oeuvres se regroupent logiquement dans un même univers), une alternance de points de vue qui finiront par fusionner au moment-clé, quelques emprunts aux ouvrages antiques et populaires, un objectif fantaisiste et un dénouement ridicule.
Si on regroupe les éléments ensemble, ça corrèle parfaitement avec l'Ultime Secret. L'histoire nous mêle au sein d'une enquête sur le meurtre "orgasmique" d'un brillant neurochirurgien, Samuel Fincher, décédé en faisant l'amour à une top model. En guise de héros figurent Lucrèce Nemrod, aussi intéressante qu'un pot de fleurs, et Isidore Katzenberg, tout droit sorti d'un épisode de Navarro, passionné par la chaîne BFM TV, tous deux lancés à vingt kilomètres heure sur la Côte d'Azur à la poursuite du meurtrier. En parallèle, la vie de Jean-Louis Martin, atteint du Locked-In Syndrome, totalement paralysé (sauf un de ses yeux qui est encore actif) qui doit faire face à sa condition après un accident de voiture quasi-fatal. Au fil du roman, Jean-Louis parviendra, dopé par sa soif de connaissance, à maîtriser le langage via un super-ordinateur et Internet, où il découvrira les méthodes pour décupler les capacités du cerveau humain.
Au milieu de ces deux intrigues, une pincée d'ambition dans un monde journalistique cynique, une maison close pour "épicuriens", une séance d'hypnose freudienne, des souris acrobates, un voyage mystique pseudo-kubrickien et une vague référence au docteur Frankenstein.
Car si cette dernière reste évasive, c'est une litote comparée à l'amoncellement de citations et emprunts à la mythologie grecque. Des allusions à l'Odyssée, en veux-tu, en voilà. Si vous ne connaissez pas la chanson d'Ulysse, Bernard Werber mâchera tout le recueil et le recrachera pour vous. La subtilité des citations devient très lourde au fil des pages, avec tout d'abord avec le club libertin ("C.I.E.L.", mon Mardi !), puis le rétablissement psychologique (ou presque) de Jean-Louis Martin, parti du légume à Ulysse lui-même ; le point d'orgue apparaît à la dernière partie, où l'étalage rend la lecture pénible tant l'auteur veut montrer qu'il détient des références culturelles appréciées de tous. Quant aux affabulations biochimiques, assez crédibles dans les Fourmis, elles subissent le même sort que les citations littéraires : noyées dans l'abondance et le superflu.
Ainsi, le travail sur les personnages est balayé d'un seul geste et ne donnent pas lieu à un quelconque attachement du lecteur. Seul Jean-Louis Martin sort de cette gamme bi-dimensionnelle pour nous livrer un soupçon d'intérêt à ce qu'il adviendra de lui au dénouement. Toutefois, la rencontre entre lui et les deux enquêteurs tombe complètement à plat, alors que le rythme mené dans les chapitres finaux précipitait les évènements pour rendre le duel mémorable.
Comme pour chaque ouvrage, Bernard Werber parvient à capter le lecteur par des prémices alléchants, promettant une bonne dose d'action et de révélations par-delà le mystique, mêlant des faits réels et son imagination. L'exécution, elle, se brûle les ailes dès le second tiers où l'intrigue ne tient plus que par un seul personnage, ce qui est très peu pour sauver les meubles.
Un dernier bouquin, et j'arrête définitivement de te lire, Bernard, j'ai quitté le collège, tu sais.