Coup de cœur !
Nous sommes dans les années cinquante, dans le Dakota du Nord. On fait la connaissance d'un couple de retraité, Georges et Margaret Blackledge , des gens rudes à la tache et travailleurs. Ils ont...
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le 25 mars 2022
Mal remis de la mort de leur fils en ce début des années cinquante, le shérif à la retraite George Blackledge et son épouse Margaret sont de surcroît séparés de leur petit-fils de cinq ans, Jimmy, depuis que leur bru s’est remariée avec Donnie Weboy, un homme de sulfureuse réputation qu’ils soupçonnent de maltraitance sur la jeune femme et l’enfant. Mis au pied du mur par sa femme, George se résout à l’accompagner dans le Montana pour retrouver Jimmy et le ramener coûte que coûte dans leur ranch du Dakota du Nord. Mais, là-bas, ils sont violemment accueillis par le clan Weboy, qui, dirigé d’une main de fer par sa matriarche, terrorise la région.
Classé parmi les grands de la littérature américaine depuis son premier roman Montana 1948, Larry Watson campe ici un récit taillé à la serpe dans les âpres espaces du Nord-Ouest des Etats-Unis. Tout - paysages comme habitants -, y semble coulé dans une rudesse forgée par la loi du plus fort, la vie se chargeant d’enfermer émotions et sentiments au plus secret des êtres, à moins qu’elle ne vous transforme tout bonnement en brute épaisse, sans autre foi ni loi que la vôtre ou celle de votre meute. L’on se croirait encore au temps de la conquête de l’Ouest, lorsque, enhardis par l’absence ou par la complaisance des autorités, quelques hors-la-loi pouvaient mettre un territoire en coupes réglées, et que les honnêtes gens n’avaient plus qu’à subir ou à se faire justice, à leurs risques et périls.
C’est ainsi qu’un vieux couple, usé par les combats d’une vie, mais las de courber l’échine, se retrouve à se rebeller contre la goutte de trop. Elle, parce que l’existence lui a déjà ravi ses enfants et que perdre maintenant son petit-fils est au-delà de ses forces. Lui, parce que, désespéré de son impuissance à protéger les siens des coups du sort, il voit soudain rouge quand d’infâmes voyous à la petite semaine viennent insupportablement en rajouter. Commencée dans le silence épais des non-dits et par ce qui paraît d’abord presque comme une impossible lubie de la part d’une vieille femme malheureuse mais têtue, poursuivie en road trip dans les conditions rudimentaires de petites gens habituées à vivre à la dure, l’intrigue s’emballe soudain dans une explosion de violence, où colère et sentiment d’injustice n’ont d’égal que l’affection ressentie pour quelques personnages témoins d’une poignante humanité.
De tous côtés, ce sont les femmes qui mènent la danse, et les hommes qui suivent ou bien qui boivent, jusqu’à ce que, dans un paroxysme imprévisible, la rage fasse soudain sauter le verrou de leur endurance et les emmène alors dans des actions extrêmes que rien ne laissait prévoir. Longtemps intrigué par la manière dont tout cela va bien pouvoir finir, le lecteur happé par la noirceur du récit autant qu’habité par l’âpre et indifférente majesté des paysages, se retrouve embarqué dans un western implacable, où à la froide cruauté de méchants intouchables finit par répondre l’explosion volcanique de justes incapables de supporter plus longtemps leur condition de victimes.
Un roman noir, aux personnages anges ou démons, que tout amène à la confrontation brutale. Ainsi sans doute en va-t-il des guerres : arrive insidieusement un point de non-retour, où l’affrontement et le sacrifice semblent les ultimes recours auxquels, malgré soi, se résoudre. C’est implacable et dérangeant.
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le 23 nov. 2022
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