On pourrait voir ainsi l’enchaînement : d’abord la stratégie militaire par le jeu, ensuite la destruction de la figure du héros guerrier et enfin se poser la question du choix des armes. Et si l’arme était un homme bien placé?
Du fond.
On retrouve le terrain glissant de la Culture qui s’empêtre les pieds dans le tapis “On est pacifistes” et tombe, les armes à la main. Le roman aurait même pu s’appeler en français, pour un peu de Montaigne ou de Descartes en SF : Du bon usage des armes. L’ironie aurait fait le reste.
Des aventures trépidantes, des planètes aux contextes politico-socio-religio-économiques différents (sans parler des peuples aux races toutes plus fantasques les unes des autres) et des stratégies militaires brillantes et troublantes, L’usage des armes ne nous laisse jamais en repos.
On suit deux, trois personnages : d’un côté Zakalwe guerrier mercenaire de la Culture et de l’autre l’incarnation même de l’esprit volontaire – car libre – des membres à part entière de la Culture : Diziet Sma et Skaffen-Amtiskaw. La première est envoyée par les Circonstances Spéciales chercher Zakalwe à qui on avait promis la paix pour de nouvelles missions très sensibles ; le second l’accompagne bon gré, mal gré, faisant lui aussi parti de CS et drone de son état, bien plus capables dans certains domaines que les hommes. En pleine conscience de lui-même.
La liberté est ici un sujet bien malmené : qui est libre, celui qui choisit de faire ce qu’il fait? Celui qui peut arrêter de faire ce qu’il fait s’il le veut? Celui qui ne fait rien? Les différents visages de toutes ces expériences de pensée sur la liberté vous les rencontrerez au fil des pages de ce livre.
Ceux du devoir également.
De la forme.
Et en même temps, quelque chose est tout de suite différent des autres tomes, dans la forme même du roman : des chapitres s’alternent et ne se ressemblent pas. Les premiers sont numérotés en toutes lettres (Un, Deux, …) et concernent le présent de l’action : à la recherche de Zakalwe et comment le convaincre de revenir.
Les seconds sont en chiffres romains et décroissants (XIII, XII, …). Ce nouvel axe lui, concerne le passé de Zakalwe, dans CS et ailleurs. C’est pas très heureux et parfois même incompréhensible (on est décroissant) mais c’est tellement riche en image. C’est dans ces moments là qu’on aimerait avoir un projecteur d’images mentales. Les tableaux sont magiques !
J’aime quand la forme influe le sens du fond. C’est jouissif d’être acteur dans le déroulement de la lecture. Car c’est bien le lecteur qui permet aux deux intrigues de se mêler. Les ponts se font, parce que les chapitres s’alternent et se superposent dans l’esprit du lecteur. C’est brillant.
Nouvelle dimension.
Ce roman-ci ne laisse pas intact. On commence à être habitué à ce rythme, cet univers de la Culture pourtant, mais non, L’usage des armes c’est un roman qui ne vous quitte que lorsque vous osez plonger dans Excession. Le quatrième tome (ordre chronologique de publication). Sinon, il reste là, à mi chemin entre la gorge serrée, le cerveau émoustillée et le coeur tout paniqué.
La Culture est ici machiavélique et on voit du pays, beaucoup plus que dans les tomes précédents. Chaque opus semble réellement différent du précédent et du suivant. Comme dit, les principes de la Culture d’assimilation sans mâcher de toute race, planète ou stratégie semble s’appliquer également à la saga. Chaque roman fait sa vie. Trace un nouveau visage de la Culture. On ne lie pas le tome 3, on ne lit pas une suite. On lit une oeuvre époustouflante dont certains traits nous sont, effectivement connus.
La Culture grimace.
Fait-elle peur? Fait-elle rire?