Un monde parfait ?

Ce que j'ai aimé dans Les Lettres Persanes, c'est le procédé utilisé par Montesquieu pour se foutre de la gueule de la société parisienne. Je ne savais pas que More l'avait fait avant lui : se faire passer pour un étranger qui découvre un lieu et le commente. Ce qui me plaît dans ce procédé, c'est de feindre la naïveté la plus totale pour se livrer à une critique candide des choses vues comme des dogmes. Fouiller jusqu'à leurs fondements permet de pointer du doigt la médiocrité humaine sans se faire insulter, car les gens ont plus de tendresse pour les naïfs que pour les adversaires affirmés.

Dans cet ouvrage, j'ai apprécié la moquerie destiné aux falbalas de la cour royale, que ce soit au niveau comportemental et surtout vestimentaire. Bien qu'absolutiste, j'ai trouvé ça drôle et je trouve aussi que tout ce faste burlesque ne fait que ridiculiser les personnages proches du souverain. Il suffit de lire Chateaubriand pour comprendre que tout ce cirque pompeux est vain et nuisible. La monarchie absolue peut aisément se passer de tout ça.

En plus d'être précurseur auprès de Montesquieu, More l'est aussi auprès des communistes : sa description de la vie en collectivité a certainement fait des émules. Même si sa démarche contient du second degré, il y a une part de vérité qui a forcément inspiré plus tard les penseurs de gauche et leur phalanstère. Il s'appuie également sur Platon et son égale répartition des ressources.

La morale est ce qui vient contrebalancer les idées communistes car elle découle directement de celle défendue par le christianisme, notamment au niveau du mariage. L'influence de Platon est encore présente lorsqu'il encourage à bâtir l'Etat sur des magistrats éminents et intègre plutôt que sur les lois en elles-mêmes. On y retrouve le concept du Philosophe-Roi que j'aime beaucoup.

L'autorité est abondamment défendue : il est clair que le peuple est appelé à obéir sans trop réfléchir, là aussi les gauchistes hurleraient. Et ils tomberaient dans les pommes lorsqu'ils verraient que l'esclavage est présent, même s'il sert de reconversion aux condamnés, condamnés qui, s'il se révoltent sont tués. La gauche est très loin.

Un texte qui fourmille d'idée et dont la forme, originale car péremptoire et amusante à la fois, rend la lecture agréable.