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Le 9 Mars 2013, dans la petite ville de Tama en banlieue ouest tokyoïte, Claire Aujard, jeune étudiante en master de japonais (mais future institutrice en école primaire) tout juste âgée de 23 ans, 1 mois et 3 jours, allume son ordinateur et trompe son ennui en sautant de pages en pages, d’onglets en onglets, de site en site. Elle n’imagine pas, coincée sur son île, que 7 mois après, jour pour jour, elle finira par s’endormir épuisée et heureuse, la tête blottie contre le torse d’un garçon rencontré une semaine plus tôt dans un concert. Mais en attendant, Claire est en train de lire le blog de Baptiste Beaulieu, "Alors Voilà" qu’elle suit depuis quelques semaines, (c’est un jeune interne toulousain qui écrit son quotidien, elle aime beaucoup sa plume qui tisse un pont entre soignants et soignés) et ce soir-là, Baptiste a partagé la vidéo d’un chanteur israélien, Asaf Avidan. Claire écoute. Claire découvre. Claire tombe amoureuse de sa voix. Alors, elle décide d’acheter une place quand il passera à Toulouse, le 2 Octobre 2013, au Phare. C’est dans 7 mois, elle sera rentrée en France. A 10 239 km de là, Vincent Lahouze, un jeune homme âgé de 25 ans s’ennuie aussi. Il a encore bu, sûrement. Il est encore en soirée, sûrement, un peu perdu, un peu paumé, il aimerait bien qu’on l’aime autant qu’il se déteste. Il n’en finit pas de broyer du noir dans la ville rose. Il ne s’imagine pas, coincé dans ses dérives, que 7 mois après, jour pour jour, il finira par s’endormir épuisé et heureux, les cheveux de Claire Aujard dans les yeux. Mais il n’osera pas bouger de peur de la réveiller, il préfère repenser à leur rencontre une semaine avant, le 2 Octobre, au concert d’Asaf Avidan. Il ne saura que bien plus tard le rôle involontaire qu’aura joué Baptiste Beaulieu dans sa quête du bonheur, mais il se promet de lui dire merci, un jour.


Le 14 Janvier 2017, Vincent tient entre ses mains le troisième livre de Baptiste Beaulieu, « La ballade de l’enfant gris ». Il vient de le terminer. Il est 17h16. Il a les larmes aux yeux. Claire, sa fiancée, est à côté de lui, en train de préparer les cours de la semaine qui arrive, pour sa classe de CM2, leurs deux chats paisiblement allongés sur le lit. Il fait froid en ce samedi mais ce que vient de lire Vincent lui a réchauffé le cœur et l’âme, un peu comme si le soleil qui se cachait dehors avait trouvé refuge entre les pages du livre. Vincent se dit que « La ballade de l’enfant gris » porte bien son nom, il vient de vivre un voyage qui s’est étalé sur 413 pages, il a marché entre les lignes, pendant près de deux heures, il a jeté l’encre Vincent, il a parcouru le monde avec Jo’, fait du saute-mouton sur les nuages avec No’, il s’est perdu dans les caves sombres avec Maria. Pendant presque deux heures, Vincent en a oublié son portable, (et seul Dieu sait combien c’est dur de lui faire oublier son portable), il en a oublié Facebook, les notifications, les flatteries qui apaisent brièvement l’appétit de son égo et qui atténuent un peu la peur de ne jamais être à la hauteur. C’est donc cela la vraie littérature se dit Vincent, celle qui te fait baver un peu le coin des yeux, celle qui te fait rire au détour d’une phrase, celle qui fait que ton cœur se serre et se relâche sans cesse. Pendant presque deux heures, Vincent a cherché lui aussi, un sens à la vie, à l’enfance de No’, à sa propre enfance, il a eu envie d’insulter Maria qui ne vient jamais voir son enfant qui attend, coincé entre les quatre murs de sa chambre d’hôpital, il a eu envie de serrer Jo’ contre lui, de le remercier de son humanité, de son humour, de sa douceur, il a eu envie de lui dire combien il l’aimait. Il reste de longues minutes les yeux dans le vague, après avoir terminé le livre, il est essoufflé, il est soufflé, tout court, de tant de beauté. « La ballade de l’enfant gris » est l’histoire d’une quête, d’un pont entre deux continents, c’est la paix entre des peuples différents, c’est un ode à l’amour maternel qui durera toujours, quoiqu’il arrive, c’est le quotidien des blouses blanches qui essayent de garder des enfants de 7 ans en vie, c’est un livre sur le courage, sur le deuil, sur les rencontres de la vie, sur les mensonges par omission, c’est un livre à la hauteur de son auteur. Immense, beau, généreux. Humain.


Nous sommes Dimanche 15 Janvier 2017, il est 17h33. Vincent vient de terminer sa chronique, il repense au hasard qui n’en est pas un, il repense au 9 Mars 2013, au blog de Baptiste Beaulieu, à Asaf Avidan, au concert qu’il a failli rater au Phare, à Claire qui l’a sorti de l’obscurité, il la regarde la tête inclinée, le regard concentré de jeune institutrice sur ses corrections d'évaluations. Il sourit. Il l’aime comme un enfant, comme un adulte. Il se dit que la vie lui offre parfois de belles ballades, grisé par les émotions.


Il se promet qu’il gardera toujours le sourire aux livres.


Vincent Lahouze

Tyler_Ledger
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le 30 janv. 2017

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