Il existe dans le coeur humain un désir de tout détruire. Détruire c'est affirmer qu'on existe envers et contre tout. Niki De Saint Phalle
Cette critique traitera de la version audio de l’œuvre, qui a connu une sortie simultanée avec la version papier. Pour être franc, au début, j’avais l’intention de me procurer la version manuscrite, mais étant donné que, le jour de la sortie, j’étais au travail et que j’avais connaissance de la sortie audio, j’ai indéniablement pris le parti de la facilité grâce à mon abonnement Audible. Cependant, je prends volontairement le parti de ne pas prendre en compte l’élocution du narrateur pour me concentrer sur l’histoire en elle-même.
Le préquel de la trilogie littéraire imaginé par l’Américaine Suzanne Collins était très attendu par les fans. En effet, les trois premiers tomes, qui faisaient office d’arc narratif pour l’héroïne Katniss Everdeen, étaient loin de dévoiler tous leurs secrets. À l’instar d’œuvres littéraires telles que Divergente, la littérature post-apocalyptique possède un univers très vaste qu’il est quasiment impossible de retranscrire en trois ouvrages. Ainsi, la parution d’un préquel est presque inévitable afin d’apporter des réponses aux questions laissées sans réponse. Bien entendu, il est possible de se faire sa propre opinion sur les événements tus. Mais avoir des « réponses officielles » apportées par l’auteure est un vrai plus. Puis, cela possède un petit côté grisant de savoir si, oui ou non, les théories que nous avions élaborées se rapprochent de la vérité ou, au contraire, s’en éloignent totalement.
n ce qui concerne l’univers qui entoure Hunger Games, la quasi-totalité des interrogations se situent plusieurs décennies avant les aventures de Katniss. Un fait qui a tout son sens.Ici, le lecteur n’assistera pas à la naissance de Panem (ex-Amérique du Nord), mais plutôt aux premiers pas qui conduiront Coriolanus Snow au poste suprême : président de Panem. Un choix qui, sans aucun doute, a surpris plus d’un lecteur.
En effet, il était facile de considérer que ce dictateur, haï par son peuple et par les fans du monde entier, avait une envie tranchée et indubitable. Il a toujours été considéré comme foncièrement mauvais.
Mais parfois, la vérité est plus nuancée qu’on ne l’avait imaginée…Ainsi, nous autres lecteurs retournons plusieurs décennies en arrière, sur les terres de Panem, mais cette fois-ci, nous laissons de côté ces personnages qui deviennent des héros malgré eux.
Quoique…
Plongeons-nous plutôt dans les coulisses des autorités qui gèrent cette paix factice que nous avons suivie. Le terme « coulisses » est peut-être un mot un peu trop fort pour parler de ce préquel… Car après tout, l’histoire a lieu dix ans après la fin de la guerre qui a fait rage entre le Capitole et les treize districts, dont les cicatrices et le traumatisme sont encore présents dans toutes les mémoires. Que ce soit dans les districts, dont le treize fut totalement rasé en surface, mais aussi au Capitole.
Bref, comme je l’ai souligné plus haut, notre principal protagoniste est le jeune Coriolanus Snow, futur président de Panem. Cependant, à travers les premières pages, il est difficile d’imaginer que ce dernier connaîtra une ascension aussi fulgurante. En tant que jeune étudiant dont la famille vit dans la précarité, il ne fait pas figure de candidat idéal…
Heureusement pour lui, mais aussi pour le plus grand malheur des districts, le tyran en herbe a un plan bien précis afin de redorer le blason de sa famille et, par la même occasion, atteindre les plus hautes sphères de l’État.Même si j’ai dépeint le personnage du jeune Snow comme le monstre que nous connaissons tous, il convient malgré moi de rectifier le tir. Ce dernier est un protagoniste complexe qu’on ne peut s’empêcher d’adorer détester. Car après tout, sa jeunesse en ferait quelqu’un de modulable, puisqu’il cherche avant tout à rendre hommage à sa lignée, qu’il chérit plus que tout. Ou presque…
Ainsi, Suzanne Collins nous prend d’une certaine manière en otage, condamnés à suivre pas à pas les manigances du jeune Snow. Comme je l’ai souligné plus haut, ce dernier a soif d’ascension sociale. Pour cela, il n’hésitera pas à mentir, manipuler et supprimer ceux qui lui barreront la route. Mais comble de l’ironie, sa stratégie a failli le détourner de son chemin. Bien entendu, le lecteur peut tout à fait fantasmer sur sa mort et sur son degré de souffrance selon le niveau de sadisme qui lui semble nécessaire… Mais attention à ne pas s’y perdre au risque de tourner la dernière page frustré. Car Coriolanus Snow ne meurt pas. Enfin, pas physiquement. Pour ce qui est de l’aspect spirituel, c’est une autre histoire, que le lecteur est comblé de suivre.
En ce qui concerne l’histoire en elle-même, qui est divisée en trois parties (avant, pendant et après la 10ᵉ édition des Hunger Games), nous suivons un Coriolanus Snow désigné comme mentor du tribut du district 12, Lucy Gray.
Cette dernière, qui occupe une place de premier choix dans l’œuvre, est un personnage difficile à cerner sans spoiler. Mais je tiens à mettre en garde le lecteur : elle divise beaucoup parmi les fans. Entre ceux qui l’apprécient à sa juste valeur et ceux qui la considèrent comme une Katniss Everdeen en version éco+, il y a matière à débattre.
Pour ma part, je trouve qu’elle apporte cette petite touche supplémentaire qui permet de nuancer la vision de Katniss. Car Lucy Gray n’est pas ouvertement contre le Capitole. Au lieu de cela, elle embrasse sa condition et arrive à en jouer, nous montrant qu’elle est prête à tout pour survivre.D’ailleurs, en parlant de nature humaine, y a-t-il une seule vérité, qu’elle soit bonne ou mauvaise ? Ou, au contraire, est-elle bien plus nuancée, voire terrible selon les circonstances ? Ici, l’auteure s’appuie sur le philosophe Thomas Hobbes en nous démontrant que l’homme est un être pas du tout fiable lorsqu’il est au pied du mur, révélant alors toute l’étendue de la noirceur de son âme.Un parti pris indéniablement intéressant à débattre et à étudier, mais quand cela prend une telle ampleur au point d’écarter certains points restés sans réponse, il devient difficile d’apprécier pleinement l’œuvre.
Car choisir de suivre le jeune Snow à travers ses actes et ses pensées donne un goût de déjà-vu avec Katniss, comme si tout était un prétexte pour mettre en place les différentes étapes qui le mèneront au poste suprême. Malheureusement, il est impossible de citer toutes les interrogations qui, à mon grand désarroi, ne trouvent pas de réponse officielle.Du coup, c’est à nous autres lecteurs d’utiliser notre imagination pour y apporter nos propres réponses.
Pour conclure, malgré ces quelques petites failles, je trouve que ce préquel à la trilogie est un très bon livre, destiné tout particulièrement aux fans de l’univers, qui le dévoreront quelle que soit sa forme.