Court conte français du XVIIIème siècle, *La Belle et la Bête* se dévore d'une traite en vingt petites minutes et se veut un avertissement aux jeunes filles lettrées de l'époque quant au choix de leur futur époux, mettant en avant la bonté sur l'esprit ou la beauté. Pas réellement féministe dans la forme ou dans la morale, le personnage de Belle cependant met l'accent sur 


l'importance de l'éducation et d'une certaine indépendance



qu'il est important de souligner dans le contexte pré-révolutionnaire d'alors.


Je ne reviendrai pas sur le récit – que vous pouvez lire [ici][1] :
Ce qui fonctionne, ce sont les portraits des différents personnages à travers lesquels l'auteure dit son époque, les règles vieillottes et le cloisonnement barbare des genres, autant que


ses aspirations pour les femmes dans le monde où elle cherche à s'émanciper.




Elles (ses aînées) allaient tous les jours au bal, à la comédie, à
la promenade, et se moquaient de leur cadette, qui employait la plus
grande partie de son temps à lire de bons livres.



À travers ces sœurs portées sur l'apparence et le confort, **Jeanne-Marie Leprince de Beaumont** décrit les ambitieuses de la cour et de la bourgeoisie qui ne vivent alors, sans conscience des misères qui les entourent, que pour être vue, adorées et chéries, que pour être gâtées. Et pose rapidement son point de vue, sans appel, sur ces manières absurdes qui ne sont en rien gages de bonheur :


il faut tâcher d’être heureuse sans fortune.



Face à elle, le caractère de la Belle s'étoffe d'une 


humanité simple, consciente et compatissante,



où l'amour est bien le moteur des actes, tel probablement qu'elle tente elle-même de vivre sa vie. Insiste là sur l'essence sociale des relations humaines, familiales d'abord :



Quoique je sois jeune, je ne suis pas fort attachée à la vie, et
j’aime mieux être dévorée par ce monstre, que de mourir du chagrin que
me donnerait votre perte.



Ou sans amour, sans lien, la vie ne vaut d'être vécue.
Puis sur la fin du conte, l'auteure ayant démontré la bonté de la Bête, de celui que personne ne regarde sous la laideur, elle nous invite à ne point juger autrui sur son apparence, mettant en évidence ce que nous risquons alors d'y manquer, insistant sur ce que le bonheur parfois se cache là où nous pourrions refuser de nous aventurer par ignorance ou dédain.


Ne suis-je pas bien méchante, disait-elle, de donner du chagrin à
une Bête qui a pour moi tant de complaisance ? Est-ce sa faute si elle
est si laide, et si elle a peu d’esprit ? Elle est bonne, cela vaut
mieux que tout le reste. Pourquoi n’ai-je pas voulu l’épouser ? Je
serais plus heureuse avec elle, que mes sœurs avec leurs maris. Ce
n’est ni la beauté, ni l’esprit d’un mari qui rendent une femme
contente : c’est la bonté du caractère, la vertu, la complaisance ; et
la Bête a toutes ces bonnes qualités.



Conte presque expéditif, *La Belle et la Bête* – vieux français mis à part – n'a pas pris une ride et demeure, aujourd'hui peut-être plus encore, 


d'une incroyable modernité dans le regard précis qu'il pose sur la superficialité des relations humaines.



Un récit alors, si court et si accessible, dont on se dit qu'il devrait absolument figurer au programme des plus jeunes afin d'encourager bonté et bienveillance dans nos cours de récréations où le harcèlement pose dorénavant problème : il est parfois de ces outils qu'on néglige au point de priver nos enfants d'horizons... Puis il faut avouer – adorateur des langues que je suis – que ce vieil orthographe et sa grammaire passée ont leurs charmes dans l'intérêt linguistique qu'ils apportent : quel bonheur que de lire dans le texte une auteure morte il y a plus de deux siècles !

Créée

le 2 mars 2018

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