La Belle Vie
5.5
La Belle Vie

livre de Matthew Stokoe (2002)

La belle vie
Matthew Stokoe (2002)
[éd. Folio Policier]


Je viens de lire la description du livre: ça donne envie mais oups! beh ça alors, encore une description erronée! Ça alors, quelle surprise!
- Le roman ne parle pas de "l'usine à rêves".
- "Jack n'a qu'une ambition : devenir célèbre, peu importe le prix", Hé non! il préfère se laisser aller (surtout baiser et se droguer).
- "Lorsque son épouse, Karen, est retrouvée morte, il se met en quête de son meurtrier" Justement non!
- "Matthew Stokoe nous livre ici un des romans contemporains les plus puissants jamais écrits sur l'envie et sa face cachée." L'envie? Ah bon? Où? Quand? Qui? Comment?


Bon, à la base, je me suis procuré "La belle vie" parce qu'un magazine de littérature le conseillait. Et la Quatrième est moins mensongère.


Allons-y.


La mort, le sexe, la pourriture, et la drogue.
- et cet attrait pour les stars californiennes dans un univers glauque.


Truculence (cru) qui rappelle Bret Easton Ellis ("glamorama" - "Lois de l'attraction").
Le narrateur énonce chacun de ses tourments sans retenue, sans gène, sans pudeur. Le ton est nerveux. Il s'autorise même à apostropher le lecteur.


Le chapitre 5 fait perdre toute crédibilité. Comme la tentative gratuite de greffer du glauque, toujours plus de glauque, sur du glauque déjà présent. De plus, ce n'est que plus tard que le narrateur comprendra qu'on se jouait de lui. La mauvaise odeur de la facilité d'écriture: le personnage est trop à l'ouest (drogue, alcool, ou préoccupé) pour saisir ce qu'il se passe.


L'idée prend forme après quelques chapîtres: un looser décide d'enquêter lui-même dans la tourbière environnante. Il trouve un sordide moyen de subsister, tout en faisant ses recherches chez les camés, les dealers, les prostitué-e-s, les trafiquants d'organes, les corrompus, et toute la clique du glauque. Malheureusement, tout cela est amené de manière tellement maladroite. Puis, surtout, contredit juste après.


Chapitre 12: de nouvelles erreurs.
1 _ Le personnage principal souhaite retrouver l’assassin de sa femme, mais quand il est installé et a du temps à tuer il ne pense même pas à le consacrer à cette fin.
2 _ Il est poursuivi par un taré de la brigade des mœurs qu'il a du mal a semé, mais il décide de s'adonner à la prostitution.
3 _ Il s'étonne que ce soit différent de sodomiser un homme que de pénétrer un vagin, mais il a déjà sodomisé des femmes (comment s'articulent les comparaisons alors?).


Devant aucune recherche de cohérences, aucun souci de cohérences, une accumulation d'incohérences, je doute: dois-je continuer à lire ce qui s'apparente à une mauvaise farce?


Chapitre 18: (Le personnage principal déclare vouloir être célèbre, vivre parmi les stars, même s'il ne fait JAMAIS rien pour) Il accède à une soirée mondaine peuplée de personnalités des médias. Il CHOISIT de s'en aller plutôt que de se faire connaître, nouer des relations, se créer des contacts.


Chapitre 21: le pompon!
On a droit à cette réplique: "On ne fait pas d'omelette sans casser des œufs." J'ai lâché le livre en éclatant de rire! J'ai trop entendu cette locution: cela signifie pour moi que l'auteur est perdu.
Puis, Ryan qui débarque (encore!) juste après (encore!) pour dire J'ai tout vu, Je sais tout (encore!), et cette fois j'ai tout filmé (bah tiens!) et vient là que je te fasse une proposition bien pourrie (ENCORE!), et Jack qui accepte (encore!).


Pfffiou! Sérieux, j'en ai un peu marre d'être pris pour un con mon bon Matthew!


Il n'y a pas dans "La belle vie"cette lueur que les personnages entraperçoivent au bout du tunnel, qui les aveuglent et les obsèdent au point de ne pas voir qu'en réalité ils chutent dans un puits sans fond. Ici, Tragédie/drame surgit dès le début - on ne prend pas la voie de Hubert Selby.jr et comment détailler chaque étape d'une descente aux enfers (cf. "L’assommoir" de Zola). "Les enfers", on y est dès les premières pages. Nous n'allons pas sortir du sordide pour aller vers la lumière; nous n'allons pas non plus d'une situation bancale pour nous enfoncer toujours plus vers les horreurs. Non.
Il s'agit d'un cadre pour installer le propos du roman. Les perversités, l'instrumentalisation des personnes rencontrées, l'insensibilité au sort d'autrui sont la norme ici. Comme si Matthew Stokoe avait soigneusement écarté tout élément "normal" susceptible de créer de l'empathie. Donc nous voilà au prise avec des personnages TOUS antipathiques et des situations atroces.
Malheureusement, le récit n'a pas de sens, et pas non plus de cohérences.
Et c'est dommage. Parce que de ce fait, l'auteur va vite être taxé de morbidité gratuite, alors qu'à mon avis, ses intentions ne sont pas mauvaises (horrible = horrible). "La belle vie" aurait pu raconter une enquête sur un meurtre, mais non. "La belle vie" aurait pu raconter la quête de célébrité, mais non. C'est un Buena Vista Sociopathes Club qui s'excitent entre eux. Sans intérêt narratif. (Les sociopathes deviennent-ils des psychopathes? Et par la suite, passeront-ils à l'acte?)


Dommage également parce que l'auteur n'est pas dépourvu de talent d'écriture. J'ai personnellement été admiratif, par exemple, devant ses descriptions de Los Angeles. Impressionnant. Très détaillées, très fournies, des lieux, des trajets, des quartiers, des habitants, des lumières, des variations en fonction des heures du jour et de la nuit.


Mais Matthew, s'il te plaît, crée des personnages cohérents. Et trouve quelque chose à dire.

Horace_Neville
3
Écrit par

Créée

le 6 oct. 2016

Critique lue 235 fois

Horace_Neville

Écrit par

Critique lue 235 fois

D'autres avis sur La Belle Vie

La Belle Vie
ludovico
2

N'est pas James Ellroy, William Burroughs, Sade qui veut... dommage !

ça aurait pu être très bien, une réflexion sur l'usine à rêve, la volonté de pouvoir, et une belle description de LA... malheureusement, c’est gâché par la volonté d'en faire trop coté scato,...

le 21 avr. 2014

Du même critique

Le Canard siffleur mexicain
Horace_Neville
8

Avis critique sur "Le Canard Siffleur Mexicain"

"Le Canard Siffleur Mexicain" James CRUMLEY (1993) [éd. Folio Policier] "Les gens qui déconnent avec mes amis finissent toujours par s'en mordre les doigts. - Merde, mon vieux, crissa Dagoberto...

le 26 août 2016

2 j'aime

Notre quelque part
Horace_Neville
8

Avis critique sur "Notre Quelque Part"

Notre Quelque Part Nii Ayikwei Parkes (2009) [éd. Zulma] "On ne pense pas à ces choses. C'est comme la lumière. Le jour, il y a toujours de la lumière et on n'y pense pas, mais moi, Yao Poku,...

le 1 oct. 2016

1 j'aime

1

Les Terroristes
Horace_Neville
4

Avis critique sur "Les Terroristes"

Les Terroristes de Maj Sjowall & Per Wahlöö (1975) [éd. Rivage Noir] Une écriture talentueuse dans l'art des descriptions minutieuses (tenues, décors, gestes, et cetera) qui met en relief le...

le 25 sept. 2016

1 j'aime