La bête
7.9
La bête

livre de Peter Benchley (1991)

Le best of the best du survival horror en pleine mer.


L'être dérivait dans l'obscurité d'encre. Il attendait. Ce n'était pas un poisson. Nulle vessie natatoire ne le poussait vers le haut, mais grâce à la composition particulière de ses tissus organiques, nulle force ne l'attirait, non plus, vers les abysses.
Ce n'était pas un mammifère. Il n'avait aucun besoin de respirer l'air libre et ne ressentait, en conséquence, aucune impulsion de gagner la surface.
Il attendait. Sans jamais dormir.
Nullement conscient de sa propre existence ni de sa taille gigantesque, ni de cette violence potentielle qui le distinguait des autres habitants de la mer, il rodait à mille mètres de fond, très loin de toute lumière, mais percevait cependant, de ses yeux énormes, les scintillations vagues de terreur ou de l'excitation engendrée par sa présence, chez des prédateurs de moindre volume.



Peter Benchley est assurément l'auteur responsable de ma phobie envers les profondeurs de l'océan, dans une présentation absolument angoissante et terrifiante des abysses ainsi que des créatures qui la peuplent. La plupart de ses ouvrages sont très connus et quasiment tous adaptés au cinéma. Son plus grand succès, son best-seller mondial au succès pharaonique ''Les Dents de la mer'' adaptée et réalisée par Steven Spielberg a rendu la vision de son auteur culte, marquant à jamais de son empreinte le monde de l'horreur. Même si je suis moins fan du roman que du film, sa description des créatures marines reste une vision cauchemardesque parfaitement élaborée.


Avec La Bête l'écrivain nous entraîne à nouveau dans une horreur profonde à l'atmosphère oppressante à travers les Bermudes où une chose monstrueusement affamée remonte des profondeurs pour dévorer les pauvres marins qui ont la malchance de la croiser. Whip Darling, pêcheur fauché expert dans l'art de la guigne va se retrouver malgré lui, enrôlé par un mauvais coup du sort dans une chasse d'envergure pour tuer le monstre. Dans un premier temps ce livre possède une construction assez similaire que celle des dents de la mer, on y retrouve en plus des attaques du monstre ce petit côté mafieux. Néanmoins, le récit s'en écarte rapidement prenant une forme plus personnelle et inattendue autour de la protection océanique.


Avec tempérance et performance Peter Benchley immerge le lecteur avec un rythme frénétique au coeur de toutes les psychoses dans un combat entre David et Goliath, l'homme face à la terreur subaquatique. Une confrontation terrifiante à la résultante nuancée. Un joli coup de maître finement subtil délivrant un constat sans appel.


Malgré ces 319 pages aucun ennui ne pointe le bout de son nez grâce à une écriture maline ne laissant jamais même l'espace de seulement quelques chapitres la bête loin de nous, rôdant continuellement à travers les lignes dans des descriptions toujours plus inquiétantes de celle-ci. Conséquence, les pages se tournent allègrement.


Les séquences d'attaques sont réellement flippantes d'une violence lancinante dévorant sans la moindre émotion des humains qui une fois sur deux n'ont pas la chance d'être croqués du premier coup. La première attaque est un parfait exemple de cette constatation avec une charge tout en lenteur et agonie. La peur est décrite sous plusieurs formes, entre la pression exercée par la charge de la bête sur une personne qui ne la voit pas venir, ou encore lors d'une séquence claustrophobique où elle prend d'assaut un mini sous-marin.


Le récit associe habilement l'intrigue principale aux sous intrigues sans jamais nous faire perdre le fil conducteur. Ainsi, l'histoire peut se permettre plus de nuances entre les difficultés de la vie familiale, les corruptions du pouvoir politique, le sens existentiel de la stupidité de l'homme face à la folie de la mondialisation et de sa surconsommation n'hésitant pas à assécher les océans de sa biodiversité. Ce n'est pas non plus du grand art, mais la subtilité est bien là, amenant de l'originalité dans cette chasse aux monstres, nous poussant à la réflexion.


Peter Benchley démontre toute sa passion du monde aquatique en livrant un surprenant message écologiste malgré son histoire de bête tueuse. Comme quoi, on peut être raffiné et bienveillant dans une projection horrifique. Il semble que l'écrivain ait tiré des leçons de son ancien roman responsable malgré lui de la mort de milliers de requins. Une conséquence que Peter Benchley n'a jamais su se pardonner malgré son combat acharné pour la protection de ceux-ci. Avec ce livre il réussit à rattraper le coup sans pour autant tomber dans un moralisme qui pourrait plomber le récit.


Benchley en profite même à travers son personnage principal Whip pour présenter les beautés que recèlent les fonds marins. On se cultive un peu plus sur les espèces marines, leurs habitats, leurs places dans cet écosystème ainsi que la chaîne alimentaire de certaines d'entre elles. Une virée intéressante nous apprenant également du vocabulaire technique maritime. Bien entendu, en dépit des fluctuations passionnées de son auteur, jamais le récit n'oublie son monstre aquatique et ses nombreuses victimes, la tension est toujours présente. Si Benchley reste un amoureux inconditionnel de la planète bleue, il assume parfaitement son titre de maître de l'horreur abyssale.


CONCLUSION :


La Bête est un terrifiant conte horrifique mettant en avant une terrible créature marine dans une confrontation entre David et Goliath intense. La construction du récit est une réussite conjuguant habilement le genre survival horror à la découverte, protection et conséquence de la faune aquatique. À travers une écriture soignée mettant la barre haute dans les phases sous tension on se régale. Un livre que je conseille pour les amateurs du genre. Une véritable plongée angoissante dans les limbes obscurs dont on ressort à sa conclusion grandement ravi.


Assurément mon livre préféré de l'auteur.

B_Jérémy
10
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Créée

le 8 sept. 2019

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