Il y a des périodes, des lieux, des vies ordinaires qui ne marquent pas l’Histoire. On connaît l’existence de la cathédrale de Winchester, dans le sud de l’Angleterre. On connaît un peu moins l’existence réelle dans les années 1930 d’un groupe d’ouvrières bénévoles, entraînées pendant des années par une femme de talent, croyante et visionnaire, Laura Pesel, pour broder des dizaines et des dizaines de coussins ou agenouilloirs, sur des dessins originaux à thème religieux. Un travail de fourmis laborieuses qui veut s’inscrire dans la durée, des ornements en offrande, à utiliser et admirer pour les générations à venir. On connaît peu également le monde des sonneurs de cloches, ces hommes qui cultivent leur invisibilité, mais qui ensemble créent une harmonie de sons participant aussi à la grandeur de la vie des églises.
C’est dans ce décor que Tracy Chevalier place son récit romanesque. Au centre, elle raconte la vie de Violet, dont l’entrée dans la vie adulte a été brisée par la perte d’êtres chers lors de la Grande Guerre et qui cherche une issue vers le bonheur. Violet s’inscrit dans la lignée des femmes modernes, qui cherchent à s’émanciper, à travailler et être indépendantes. A travers les personnages qui gravitent autour d’elle au fil du roman, c’est toute une société en mutation qui apparaît, avec lenteur et douleur, sous la menace du nazisme qui monte en Europe. Beaucoup de détails délicats s’accumulent et font de ce roman une grande richesse de connaissances.