1934, Maurice Leblanc envisage de mettre fin aux aventures d’Arsène Lupin. Cette idée ne sera ni la dernière ni la première quant à la fin du célèbre Gentleman-Cambrioleur. Mais ici, Leblanc l’assume beaucoup plus que par le passé. En effet, ici il propose rien de moins que rappeler la célèbre Comtesse de Cagliostro, au centre d’une des principales aventures de Lupin. Son ancienne maîtresse, la femme qu’il a tant aimée et qui a kidnappé son enfant.
Ici, Lupin, âgé, ayant désormais presque la cinquantaine entend vivre au calme, près de Paris. Bien que toujours adepte de la bonne occasion pour cambrioler, il s’amuse avant tout sans chercher la justice et souhaite le calme malgré son amour des aventures.
Mais un drame incroyable arrive. Un meurtre, deux cambrioleurs, une maîtresse corse, un architecte inconnu qui serait potentiellement le fils de Lupin, élevé de loin par la Cagliostro pour une vengeance secrète. Une affaire incompréhensible ? Sauf pour Lupin qui comprend vite que nous avons deux drames et qu’il se propose de résoudre dans un récit qui ne cache pas ses références au corpus de Lupin : La Comtesse de Cagliostro, 813, l’Aiguille Creuse, tant d’oeuvres importantes qui sont des étapes dans la vie de Lupin.
Le récit manque vraiment d’intérêt, disons le tout net. Si on n’avait pas la question de l’origine de Félicien, potentiellement fils de Lupin, alors le texte n’aurait aucun intérêt. L’enquête policière est très mal faite et l’intrigue peu intéressante. Ce qui marche c’est bien de démêler deux drames et la façon dont Lupin résout le second, là où pour le premier, il n’est que spectateur. Et c’est cela qui est d’ailleurs terrible : globalement on assiste à la fin de règne de Lupin.
Lupin accepte d’être spectateur une grande partie du récit. Il ne comprend pas tout et est souvent surpris. Leblanc joue de cela en annonçant dans la préface que souvent Lupin est mis en scène dans ses victoires mais non-mentionné dans ses défaites et que ce récit montre qu’une femme peut se refuser à lui. Mais ce qui se passe vraiment c’est que Lupin aspire encore plus à la fin qu’au début à une vie calme, à retrouver la tranquillité qu’il aurait détesté.
Ainsi Lupin devient-il plus respectable et aussi plus éloigné du conflit, montrant bien qu’il n’est plus le jeune homme séducteur des débuts. Il est au contraire rangé, entouré de jeunes gens qui le voient comme un charmant voisin mais rien de plus.
Finalement, la Cagliostro a-t-elle eu sa vengeance ? On ne saura pas. Leblanc avec beaucoup d’audace ne nous dit jamais si Félicien est le fils d’Arsène Lupin. En tout cas, Lupin ne le reconnaît pas et de nombreuses preuves iraient dans le sens d’une non-filiation. Mais en même temps, que serait Leblanc s’il n’amenait pas un hasard incroyable ?
Incroyable pour tous ici, même Lupin. Car dans le fond, ce que montre le fils de Lupin c’est qu’il ne peut exister. Raoul a pu avoir un enfant, Arsène Lupin ne saurait avoir d’héritier. Il est sa propre légende, sans personne pour prendre sa relève réellement.
La Cagliostro se venge est donc un récit crépusculaire marquant la fin d’Arsène Lupin où le côté sombre de cette fin nous plaît et où quelques aspects de grandeurs du personnage nous séduisent. On appréciera la question sur le fils de Lupin et la beauté d’écriture. Mais les enquêtes elles-mêmes sont très secondaires, mal pensées et je dois avouer que les autres personnages n’ont pas l’intérêt que l’on pouvait espérer et manquent de charisme.