La Carte et le Territoire par ngc111
Les prix Goncourt sont souvent très discutés, et celui de 2010 n'a pas fait exception. Avec La Carte et le Territoire, Michel Houellebecq raconte une histoire banale, d'un artiste qui devient célèbre et riche, qui côtoie l'auteur sus-nommé dans une mise en abime troublante, et qui nous livre ses impressions sur différents évènements de sa vie et de ce qui l'entoure. Le sujet est donc vague, pas vraiment centré sur une direction précise ; on sent que Houellebecq voulait rassembler des idées, partager des opinions sur tout et sur rien, sans arriver à en faire ressortir une unité éclatante ou tout juste apparente.
Cela n'est pas forcément une mauvaise chose, en tout cas au départ et sans à priori, mais le problème est qu'à part un rejet du monde, un dégoût de l'humanité plutôt assimilable à de la lassitude qu'à un rejet haineux de tout être humain... on en retire pas grand chose.
La faute à une superficialité de traitement du monde artistique, que l'on ne fait qu'effleurer, que l'on n'a pas l'impression de découvrir en profondeur ; les incrustations de personnalités sans aucune valeur pour le récit telles que Jean Pierre Pernault et autres "stars" de la TV n'ont aucun apport convaincant et ce "naming" ne semble se justifier que pour mettre en exergue une volonté de recherche du lecteur de l'opinion de Houllebecq sur les dits personnalités.
Il en est de même pour la vision que l'auteur a de lui et qu'il nous présente à travers les pensées et les dialogues de Jed et de lui-même, dans un narcissisme dispensable et finalement invasif. Au fond pourquoi ne pas avoir mis un autre écrivain voir un personnage inventé pour la cause ? On ressent très vite que cela n'aurait rien changé et que le fait d'avoir incorporé l'auteur des Particules élémentaires dans ce livre est un amusement sans aucune valeur pour le lecteur.
Il faut avouer toutefois que l'on aime de temps à autre le cynisme du célèbre auteur, sa franchise hélas parfois vulgaire, son écriture sèche et limpide qui favorise une lecture sympathique et accommodante et ses personnages sans réelle originalité mais appréciables pour autant.
Dommage que l'on se retrouve avec un inspecteur bientôt à la retraite et désabusé comme trop souvent, une créature de rêve russe aux jambes fines, un artiste malheureux à la relation père/fils quasi inexistante mais qui s'améliore lors de l'approche d'un funèbre destin... des clichés agglomérés sans aucun remords qui rendront dubitatifs tout bon lecteur qui se respecte.
Les idées brassées sont quant à elles nombreuse mais l'on est très vite déçu de voir que la santé d'un animal de compagnie prend plus de pages que les considérations des personnages sur la justice et la peine de mort.
Et dans ce bouillonnement de propos jetés à l'avenant sur le papier, délayés dans une intrigue tout juste notable, relatés par des personnages sans consistances ou déjà vus, on retient quelques bonnes impressions, un sentiment que quelque chose aurait pu pousser sur ce terreau dispersé mais fertile.
Mais un terreau, fertile ou non, n'est pas ce que l'on attend d'un auteur confirmé, en tout cas pas débutant. On attend de lui une œuvre, une idée directrice qui mène quelque part et qui s'appuie sur un cadre intéressant et solide... un chef d'œuvre même si cet auteur veut prétendre à un prix littéraire. Quoi qu'apparemment l'on ait pas besoin de tout cela...