"Cela fait une drôle d'impression de ne pas savoir qui on est, d'où on vient ni où on va.Taavetti Ryktonen, soixante-huit ans, était exactement dans cette situation. Il ne savait pas où il allait, ni qu'il venait de sortir d'une agence de la Banque nationale, où il avait oublié son portefeuille et ses papiers d'identiti", mais tout de même pensé à fourrer dans sa poche intérieure une liasse de billets épaisse d'un centimètre et demi..."
C'est une véritable cavale à travers le paysage sauvage et brutal de la Finlande que présente Arto Paasilinna, un voyage dans un pays, où le caractère des hommes, à l'image de la nature, est sans concession et intègre. Un jeune homme qui jusqu'alors roulait sans fin dans les rues d' Helsinki, Seppo Sorjonen, prend à l'arrière de son taxi un vieil homme amnésique, qui va l'entraîner dans une véritable quête initiatique, à la recherche du passé, et de finalement leurs véritables identités.L'amitié, et la camaraderie (entre Ryktönen et son camarade du guerre Heikki Mäkitalo, et même au coeur d'un groupe soudé d'aventurières française, sorte de naufragées volontaires dans les marais) sont les fils directeurs du récit. Le ton est résolument décalé, il entraîne de façon humoristique et avec quelle candeur, le lecteur dans une fresque hétéroclite, qu'il s'agisse d'une reconstitution de bataille de char dans un musée de guerre désert, sur fond de vodka et d'oignons, ou de la destruction en règle d'une exploitation agricole.L'alcool et la folie ne sont pas de reste, mais l'ambiance est fraternelle, et empli un pays où l'on semble pouvoir se perdre dans l'ennui et la routine, de légèreté et de spontanéité. Car finalement, que recherche Seppo, si ce n'est du contenu, aussi loufoque soit-il, à son mariage et à son métier? De chauffeur de taxi il s'improvise médecin, de fiancé il devient un mari.La cavale du géomètre n'a pas de sens, elle assume juste l'intensité de chaque instant, et après tout le potentiel, créateur ou destructeur, contenu en chacun.Tous les personnages flirtent entre ces deux pôles comme sur une corde tendue prête à rompre, et finalement le sens qu'ils empruntent se perd dans les brumes et la froideur d'un pays et d'un décor qui marque profondément le récit. On appréciera ou non la candeur du récit, mais on note qu'il autorise une approche pas si naïve de sujets les plus douloureux: la maladie, la solitude que l'on trompe comme l'on peut, la nostalgie et les souvenirs de guerre.On pense à des auteurs nordiques comme Ibsen, qui savaient marier les sujets les plus violents au ton le plus décalé, et il nous semble comprendre comment ces régions sauvages et froides engendrent des caractères aussi endurants.
Emma Breton
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le 21 août 2011

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