Après deux de ses sœurs aînées, la belle et ambitieuse Marie-Anne de Mailly-Nesle devient à son tour l’objet de la passion amoureuse de Louis XV. Avec le soutien du maréchal de Richelieu, elle se hisse bientôt à la position de toute puissante favorite en titre, suscitant craintes et jalousies à la Cour de Versailles et s’attirant la haine du peuple français. Ayant poussé le Roi dans la guerre de succession d’Autriche, elle le rejoint à Metz où l’adultère royal publiquement exposé fait scandale. Mais Louis XV y tombe gravement malade, occasionnant un subit renversement de situation. Face à la pression de l’Église et des ministres sur un souverain affaibli, la maîtresse royale risque bien de choir brutalement de sa position…
Camille Pascal s’est imprégné d’une volumineuse documentation pour nous restituer, avec naturel et intelligence, les intrigues de Cour et les manœuvres politiques autour d’un Louis XV trentenaire qui commence à imposer sa propre manière de gouverner. On y perçoit un roi peu intéressé par la vie politique, plutôt casanier et sans beaucoup de charisme. Déjà transparaissent les grands traits qui altéreront l’image royale tout au long de son règne : l’inconduite de sa vie privée et les intrigues incessantes autour de ses favorites, ses velléités à gouverner seul alliées à un manque de fermeté qui l’amènent à contourner secrètement ses ministres plutôt que d’imposer clairement ses décisions, le mécontentement de son entourage qui multiplie les cabales et contribue à son impopularité croissante. A Metz se joue bien plus que la chute d’une favorite : c’est l’image-même de la monarchie qui en ressort écornée, tandis que l’humiliation publique de Louis XV exigée par le parti dévot motivera pour longtemps la haine du souverain envers les Jésuites.
Historiquement érudit, l’auteur réussit aussi à merveille à recréer l’atmosphère de cette Cour et la psychologie de ses personnages, prolongeant la restitution de leurs lettres authentiques de sa propre rédaction ironique et acérée parfaitement dans le ton. Il nous livre un tableau réaliste et vivant, dont les mille détails éclairent avec humour les failles et les ambitions d’un microcosme bien plus préoccupé par ses luttes intestines pour le pouvoir, la richesse et le plaisir, que par l’exercice de ses devoirs d’état.
Elégant et brillant, ce roman impressionne autant par la clarté de son analyse historique que par le brio de sa plume qui sait si bien rendre l’esprit et la langue de l’époque. Entre les combats sans merci pour s’y faire une place et la conserver, les fièvres que le charlatanisme médical rend encore plus terrassantes, et la peur de l’au-delà entretenue par un clergé avide de sa part du pouvoir, la Cour de Versailles n’y a jamais autant pris les allures d’un éblouissant, mais dangereux et fétide marigot.
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