Premier roman de Marc Dugain pour ma part, je n'ai pas été déçu. On m'avait dit du bien de La Chambre des officiers, il s'avère que son succès n'est pas démérité même si la qualité en dent de scie m'empêche de mettre un avis plus favorable. L'auteur s'attaque à un sujet poignant de notre histoire, la vie des soldats de 14 et pas n'importe lesquels puisqu'il s'agit ici des "gueules cassées", autrement dit des blessés défigurés pendant la guerre.
Très habilement l'auteur se concentre sur la convalescence d'Adrien sans s'attarder sur la guerre en elle-même et nous raconte par le biais de son héros-narrateur les chamboulements physiques et psychologiques d'une blessure irréparable. Comment vivre sa vie lorsqu'on a le visage mutilé ? Lorsque l'on ne se reconnaît plus dans une glace ? Lorsque le regard des autres se transforme en blessure quotidienne ? La mort rôde et paraît aux yeux de certains comme une délivrance. C'est cet aspect qui est traité dans La Chambre des officiers dans laquelle seront enfermés les personnages principaux du récit jusqu'à la fin de la guerre.
Amoureux d'une femme qu'il connu à peine avant le début du conflit, Adrien se lance à sa recherche au sortir du Val de Grâce. Cette partie du roman s'en sort pas trop mal mais déjà, j'ai le sentiment que l'auteur ne s'est plus trop comment conduire son récit. Oui, on peut voir effectivement dans l'attitude d'Adrien qui part à la recherche de Clémence, une volonté d'entrer en confrontation directe avec le réel. D'ailleurs de cette rencontre, bascule le comportement du héros de manière définitive : acceptation ou suicide. Il choisira la vie.
Toute la partie qui projette les héros au fil des décennies jusqu'au lendemain de la seconde guerre mondiale est ennuyeuse. Clairement cette phase n'apporte rien aux personnages. Dugain a souhaité très probablement nous offrir une évolution du comportement de ses personnages dans le temps, et ici, il s'agit d'une amélioration dans l'acceptation de ses mutilations. D'un côté c'est agréable car il prend le contre-pied d'une multitude de romans qui auraient préféré une fin noire et triste, Dugain, au contraire nous offre quelque chose de plus optimiste. D'un autre, le dernier quart du roman est survolé, n'apporte rien (la planque dans une cave en Normandie, l'escorte de son pote juif Weil etc.) et la fin (j'entends le tout dernier paragraphe du roman) est clairement nulle. Dommage ! Cela étant dit, les trois premiers quarts de La Chambre des officiers sont exquis et très finement écrit. Plutôt court (172 pages), ce livre est un excellent choix pour une lecture estivale.