C’est avec La Cité occulte que s’achèvent définitivement la Trilogie des Périls et, plus largement, les aventures d’Émouchet : si nous pouvions espérer que le roman serait à même d’en transcender les artifices et limites chroniques, il s’avère sans surprise que la méthode Eddings aura prévalu de bout en bout.
Ainsi donc, ce dernier volume fait montre d’une absence criante d’éléments perturbateurs probants : un état de fait découlant en grande partie des nombreux et puissants atouts entre les mains d’Émouchet, les Dieux des Trolls, du Styricum et même « Ceux-qui-brillent » ne laissant guère de doute quant au dénouement à venir. Mais bien plus encore, c’est la qualité douteuse de l’antagonisme à l’œuvre qui déçoit : Cyrgon se veut aussi archaïque que stupide, ses puissants renforts d’outre-monde se voient affublés d’un désavantage insurmontable et, pis encore, les travers de Zalasta vireront du charismatique au pathétique.
Dommage car, par bien des façons, l’enlèvement d’Ehlana était à même de rebattre les cartes : toutefois, le seul suspense entretenu par La Cité occulte consistera essentiellement à retarder l’échéance, l’étau se resserrant inexorablement autour d’adversaires décidément transparents. L’épique n’est ainsi guère au centre de l’équation, sans que cela soit préjudiciable ou un comble pour ce qui s’apparente à de la high fantasy, Eddings privilégiant pour de bon ses boute-en-train, leurs dialogues moqueurs et un don pour le désamorçage confinant à l’art.
C’est donc ce que nous retiendrons le plus des Joyaux et Périls : une galerie bien fournie de personnages attachants, enclins à l’ironie et (pour la quasi-totalité) placés sous l’égide d’un totem d’immunité imparable. Si le plaisir a été de bout en bout partie intégrante de nos lectures, il n’en a pas été de même en ce qui concerne le grand frisson, l’incertitude mordante et le voyage grisant.