Meurtre, détective privé, femme fatale, politique, alcool, cigarettes, rebondissements, noirceur, désillusion,...Quand on acquiert un livre signé Dashiell Hammett, on ne se projette pas tant dans une intrigue que dans une ambiance. Et pour cause, l'écrivain a posé les jalons qui traceront l'imaginaire autour du roman noir au XXème siècle, ceux là même que croiseront Raymond Chandler, James Ellroy et tant d'autres après lui. Ironiquement, je le découvris pourtant après ses successeurs avec Moisson Rouge. Style ramassé, enquêteur à la lisière du bien et du mal, beaucoup de dialogues, beaucoup d'action, bien peu d'espoir ; un environnement délicieux dans lequel je me suis lové avec grand plaisir. Deuxième arrêt dans le microcosme Hammett : La Clé de verre.
Tous les éléments constitutifs du genre sont là, éparpillés en quelques pages. On ne temporise pas, on fonce en ligne droite quand bien même les obstacles sont nombreux pendant le voyage. Ned Beaumont est un cousin au premier degré du Continental Op (le limier fauteur de troubles dans Moisson Rouge). Un chouïa moins obscur mais loin d'être blanc-bleu, d'autant plus que l'art consommé de l'ellipse chère à Hammett tend à rendre le lecteur prudent avec les apparences. Pas évident de se frayer un chemin quand les zones d'ombres encerclent le monde sinueux et agressif. Le terrain idéal pour une investigation où mensonges, faux-semblants et multiples points de vue brouillent la réalité et les rapports de force. À chaque chapitre, un élément du puzzle est livré et pourtant la tâche se complexifie à vue d'œil. Pas d'inquiétude, ici on recompose les casse-têtes avec joie puisqu'on est jamais sûr d'avoir un coup d'avance ou de retard. Et puis, le numéro coriace et acerbe de Ned Beaumont ne manque pas de charme.
Encore une fois, un gros plaisir de lecteur. Incroyable de voir la facilité avec laquelle l'auteur parvient à livrer un précis du genre avec une telle simplicité. Tout type de bouquineur peut suivre la lecture, ce qui est déjà très rare le style établissant bien souvent une ligne de démarcation entre eux. Mais là, que vous soyez amateurs de roman policier, de roman noir ou friand d'une écriture visuelle (cinématographique même), vous vous y retrouverez largement chez Hammett. Je conseille par contre de se procurer la dernière traduction encadrée par Nathalie Beunat et Pierre Bondil, plus fidèle à la plume de l'écrivain.