J'en ai lu des romans difficiles mais celui-ci les surpasse tous à un niveau plus personnel. C'est le seul roman de Sylvia Plath. D'inspiration autobiographique, il raconte la chape de verre qui s'est abattue sur elle l'été de ses dix-neuf ans. Une dépression nerveuse consignée comme dans un journal intime et qui ne peut pas laisser indifférent. Esther l'héroïne s'enfonce irrémédiablement et finit par être obsédée par l'idée d'en finir.
Il y a un petit côté Salinger dans La Cloche de détresse, avec moins de verve mais plus d'authenticité et de désespoir aussi. L'état mental d'Esther est consigné en filigrane, par jeux de métaphore et perpétuels points arrières dans le récit. Toute la construction du roman est faite d'ellipses courtes et intrigantes, qui se résolvent en un chapitre. J'avoue que la répétition du procédé m'a paru assez artificielle sur la longueur.
Au delà de la qualité littéraire de La Cloche de détresse (que j'attendais plus homogène, on trouve des passages fulgurants et brillants, comme d'autres sans intérêt où on s'y perd), il est impossible de ne pas s'attacher profondément au personnage d'Esther : son cynisme désabusé, son intelligence et son mal-être explosent dans chacune de ses réflexions, quiconque aura connu une dépression ne peut qu'être ébloui par son expression. Apprendre que Sylvia Plath s'est enlevée la vie à l'âge de 30 ans donne une aura particulièrement intimiste et bouleversante à cet unique roman. La Cloche de détresse devient une sorte de journal intime codé sur lequel tu pleures quand le pire est arrivé.
J'ai aussi beaucoup aimé le fait qu'elle inscrivait entre autres son mal-être existentiel dans sa condition de femme des années 50, avec toutes les attentes que ça entraîne : chasteté, humilité, mariage de bonne famille, sexualité maritale et vie rangée dans une banlieue cossue.
« C’était une des raisons pour lesquelles je ne voulais pas me marier. La dernière chose que je souhaitais, c’était bien la sécurité infinie et être l’endroit d’où part la flèche… Je voulais des changements, du nouveau, je voulais tirer moi-même dans toutes les directions, comme les fusées du 4 juillet. »
<3
Je suis assez réfractaire à la poésie mais je vais devoir faire une exception pour découvrir celle de Sylvia Plath...