La conjugaison française est-elle trop complexe ? Faut-il la simplifier et envoyer aux oubliettes certaines formes un peu désuètes ?
Je laisse la parole au grand Alphonse Allais, avec sa "complainte amoureuse" :
Oui, dès l’instant où je vous vis,
Beauté farouche, vous me plûtes ;
De l’amour qu’en vos yeux je pris,
Sur-le-champ, vous vous aperçûtes.
Mais de quel air froid vous reçûtes,
Tous les soins que je vous offris !
Combien de soupirs je rendis ?
De quelle cruauté vous fûtes ?
Et quel profond dédain vous eûtes
Des gros tourments que je souffris !
En vain je priai, je gémis.
Dans votre dureté vous sûtes,
Mépriser tout ce que je fis ;
Mais un jour je vous écrivis
Un billet tendre que vous lûtes
Et je ne sais comment vous pûtes
De sang-froid voir ce que j’y mis.
Ah fallait-il que je vous visse,
Fallait-il que vous me plussiez
Qu’ingénument je vous le dise,
Qu’avec orgueil vous vous tussiez ;
Fallait-il que je vous aimasse,
Que vous me désespérassiez
Et qu’en vain je m’opiniâtrasse,
Qu’à vos pieds je me prosternasse
Pour que vous m’assassinassiez !
La conjugaison, comme moyen d'expression de la souffrance amoureuse ? Brillante idée, et même Shakespeare, malgré tout son génie, n'aurait pu s'autoriser une folie si savoureuse. Qu'elle est belle, notre langue !