Une vraie bonne surprise, ce court récit. La personnalité de l'auteur, ex journaliste, se retrouve chez la narratrice qui explique de manière didactique, la classification Dewey ( système de rangement avec initiales de l'auteur et cote numérique, d'où le titre du livre). La critique de la bibliothécaire sur son outil de travail quotidien est aussi savoureuse car elle pointe les limites de la classification. De plus, l'observation de la narratrice sur ses collègues, les gens qui fréquentent la bibliothèque municipale ne manquent pas d'intérêt. On reconnaîtra des individus qui nous sont proches qui font que la cote 400 constitue une sociologie de bibliothèque finement observée et donc crédible pour une oeuvre de fiction.
Revenons aussi sur la franchise et la non concession de la narratrice qui ont choqué les sens critiqueurs ici. Pour ma part, j'estime que la bibliothécaire ,même si elle est un peu névrosée et revient sur des exaspérations quotidiennes, est d'une grande sincérité et refuse une complaisance dans de multiples domaines, ce qui l'honore. L'attirance qu'elle ressent pour Martin, le jeune homme venant étudier au rayon Histoire de la bibliothèque, est aussi absolue et sa constance exprime avec justesse le sentiment amoureux féminin. Cela se respecte, tend vers l'humour et cela n'a rien à voir avec un mépris quelconque des hommes. Et si il y a bien un homme à qui elle en veut, c'est celui pour qui elle a véritablement tout quitté.
Pour finir, même si la bibliothécaire est aigrie sous certains aspects de sa vie (sa place sur son lieu de travail, son célibat subi entre autres, une certaine invisibilité), ses états d'âme font mouche et sa lucidité est rassurante. Un personnage distrait, pas trés fort, n'aurait pas eu la même force d'évocation avec l'univers qu'elle décrit. La vie est tellement plus impitoyable qu'elle peut le paraître. C'est le grand message de ce livre et si vous êtes dérangés par cette vérité, c'est que vous n'êtes pas vraiment rentrés dans la cote 400. Ce qui n'est pas si grave que ça.