SOPHIE DIVRY, LA COTE 400
«Saluons aujourd'hui haut et fort les pastrouillantes éditions Les Allusifs.
De leur belle province (adonc LE Québec pour les ceusses pour qui la francophonie ne dépasse pas St Lubin-en-Vergognois), ces éditeurs montréalais décalés ont construit un catalogue à la curiosité sans limites et aux surprises incessantes (à découvrir ici >>>).
Cette fois encore, ils ont sorti de leur chapeau un 1er roman français détonnant de Sophie DIVRY, la Cote 400(N°issu du mode de classification matière utilisée en bibliothèque), sorte de croisement improbable entre le Bartleby de Melville (par là >>>) et le Walter Mitty de Thurber (ici >>> et sa version ciné cultissime >>>).
Bref du nanan
Prenez une bibliothécaire quelque peu névrosée (doux euphémisme ?), un lecteur (un «usager» dans leur jargon) complètement mutique et – surtout! – oublié lors de la fermeture de la veille, surpris au matin par l'impétrante virago, vous avez là le cocktail parfait du mélodrame qui va se jouer sous nos yeux effarés!
Car le pauvre hère va devenir le «syngué sabour», la pierre de patience chère à Atiq Rahimi dans son roman homonyme couronné justement du Goncourt en 2008 (this way >>>), cet objet qui se transforme en un transfert sauvage et torrentiel, en déversoir de la parôle et du ressentiment de quelqu'un. Et tout y passe chez notre bibliothécaire: frustrations, colères, aigreurs, fantasmes (l'homme à la belle nuque!), une sainte colère personnelle ET professionnelle. C'est l'occasion d'un apprentissage express du dur labeur de bibliothécaire de seconde classe, forcément incompris, forcément oublié dans son sous-sol, cornac d'un rayon de second ordre, selon elle : la géographie (la fameuse cote 400)!
Ne pipant mots devant cette logorrhée hallucinée, la victime expiatoire subit la diatribe finalement drôlatique, on l'aura compris de la mégère cultivée, subissant sans moufter l'ire de cette incomprise de la lecture publique.
Par effet de contraste, nous nous délectons vite de cet hypnotique monologue, de cette ode au métier de bibliothécaire, prenant pour réel cette incarnation de la passion des livres, même dans sa défense dictatoriale parfois. Comme le théâtre de l'absurde des Ionesco et Beckett ou l'inanité des personnages kafkaiens face au non-sens des tâches administratives, Madame la bibliothécaire nous renvoie le reflet d'un savoir méconnu qui crêve surtout de ne pas mieux le partager!
Un 1er roman remarquablement dangereux car il donne envie de lire des tas d'autres livres!