Si comme moi, vous êtes un petit être humain sensible et empathique obsédé par la littérature noire, celle qui éveille les consciences et prend aux tripes, alors n’attendez plus une seule seconde pour sombrer dans La Cour des mirages.


Juin 2012. Hollande arrive au pouvoir, la droite sarkozyste tombe. Les anciens protégés deviennent les cibles à abattre. Services secrets, Ministères, Police, tous les appareils d’État sont remaniés pour chasser l’UMP et dérouler le tapis rouge au PS. Les scandales éclatent pour faire tomber le clan adverse : DSK, Julie Gayet, Cahuzac, Sarkozy, tout le monde en prend pour son grade. La politique inonde le roman par tous les personnages qui allument leur télévision, écoutent la radio en conduisant. Elle s’insère naturellement dans le texte et vient rythmer les différentes intrigues.


Vous rappelez-vous de ces pseudos intellectuels français qui clamaient et légitimaient sur les plateaux télé leur désir pour les très jeunes filles ? Saviez-vous que Simone De Beauvoir, Roland Barthes, Louis Aragon ou encore Jack Lang avaient signé une pétition pro-pédophile écrite par Matzneff en 1977 ? Une autre époque, me direz-vous. Pas vraiment. Zoom sur la France cachée des élites, celle des réseaux pédocriminels protégée par des sphères politiques corrompues.


Le capitaine Prigent et la commandante Verghagen sont de retour au 36 quai des Orfèvres pour élucider le meurtre sanglant de la famille Guillot. Gabriel Prigent est un excellent flic, bien que dévasté par la disparition de sa fille Juliette 6 ans plus tôt. Il n’aura de cesse de la chercher tout au long du roman, menant une enquête parallèle intrinsèquement liée au meurtre des Guillot…


Laurence Verghagen a sacrifié sa famille et son mariage pour sa carrière, qui le lui rend bien. À peine la trentaine, et déjà commandante à la DRCI. Le jour où la gauche arrive au pouvoir, sa hiérarchie lui demande de quitter la DRCI pour retourner à la Brigade Criminelle espionner ses collègues. Qui de mieux que Verghagen, proche de tous les journalistes, respectée par tous les flics, pour les aider à contrôler l’information qui entre et qui sort ?


Je vais m’arrêter là car je préfère vous laisser découvrir par vous-même toute la noirceur et l’incandescence de ce roman. La Cour des mirages est le dernier volet d’une trilogie précédée de La sirène qui fume et La défaite des idoles, mais qui peut très bien se lire indépendamment des deux autres. C’est d’ailleurs ce que j’ai fait, avec une once de regret car l’auteur développe un fil conducteur entre les récits que j’aurais aimé pouvoir suivre.


Benjamin Dierstein m’a littéralement bluffée. L’intrigue, palpitante et finement documentée, ainsi que le style, original et rythmé par des ellipses et des changements de narration, témoignent d’un travail d’écriture remarquable. Impossible de lâcher le livre malgré les horreurs qui s’enchaînent, inlassablement. Un sacré pavé d’une violence inouïe, 844 pages qui viendront meubler vos nuits d’insomnie. Mais chaque mot, chaque phrase, chaque page en vaut la peine.


Après Marseille 73, qui m’avait également bien secouée, je découvre avec plaisir ce nouveau roman de la collection EquinoX des Arènes. Et je ne compte pas m’arrêter en si bon chemin…


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ElodieAngiolini
9
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le 22 juin 2022

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