Parangon du style Murakami, "la Course au Mouton Sauvage" n'est ni plus ni moins qu'un ravissement perpétuel : de la description d'une relation érotique avec une femme aux oreilles magiques à la rencontre avec un chauffeur qui téléphone à Dieu, de la recherche d'un mouton maléfique qui veut contrôler le monde à une conversation dans le noir avec un ami mort, l'imagination fantaisiste de Murakami triomphe à chaque page de ce livre-bijou. Mais, bien entendu, comme toujours, derrière la couche légère d'auto-dérision, perce le spectre d'angoisses existentielles d'autant plus troubles - et troublantes - qu'elles avancent masquées par la précision presque théorique de la description des actes comme des sentiments. Une fois de plus, me vient à l'esprit devant cette dilution progressive de tout sens, l'écho de la beauté éthérée des meilleures oeuvres d'Antonioni, qui aurait fait un excellent directeur si le cinéma s'intéressait un jour sérieusement à Murakami, sublime poète de l'ennui et de l'impuissance.
[Critique écrite en 2011]