La Course au mouton sauvage par DrunkenBastard
Notre narrateur est un Tokyoïte comme un autre. Il est cadre publicitaire dans la boite qu'il a fondé avec un ami, et partage un appartement avec son épouse dans un quotidien bien ordonné... un peu trop certainement, car sa compagne vient à le quitter.
Lorsqu'un mystérieux individu le contacte à propos d'une photo utilisée pour la réclame d'une compagnie d'assurances, le cours de sa vie tranquille va opérer un tournant inattendu. Ce cliché à première vue tout à fait banal, semble abriter les dessous d'une obscure affaire aux enjeux non moins opaques. L'énigmatique personnage ferait partie d'une toute puissante organisation d'extrême-droite. Ce dernier exigera que notre ami retire la photo de son annonce publicitaire en l'échange d'un royal dédommagement. Mais aussi et surtout qu'il parte à la recherche du mouton apparaissant sur le fameux cliché. Plus grand chose ne le retient d'accepter. Il y est même contraint, car l'homme se fait menaçant. Ainsi débute son voyage initiatique vers l'île de Hokkaido. S'ensuit un improbable jeu de piste.
Toute l'extravagance de cette histoire se retrouve dans la narration. Le protagoniste dont on suit les aléas est d'un flegme singulier. Il est du genre à admettre sans étonnement toute sorte de situation farfelue qui pourra survenir à la suite de son départ vers l'inconnu. Cette apparente nonchalance donne lieu à d'exquises scènes de dialogue et à des descriptions conformes à sa perception des choses, d'une délectable simplicité. Le lecteur escorte les imprévus selon le sentiment détaché du personnage, qui vivote entre deux mondes. On se laisse transporter par l'habileté de l'auteur à structurer un paysage irréel. Son optique impressionniste confère de fait au récit une drôlerie non feinte.
Je ne tombe pas tous les quatre matins sur un roman de ce genre. Il concilie avec bonheur l'intrigue palpitante du polar dans un panorama halluciné, à la finesse d'une réflexion à propos de tout et de rien. Dans un style d'écriture assez conventionnel mais diablement maitrisé, recelant des trouvailles allégoriques subtiles et authentiques. L'un des rares bouquins que je revoyage très volontiers.