Hannah Arendt est souvent citée comme référence parmi les philosophes...par des femmes qui très souvent réclament la présence d'une femme parmi tous les philosophes (comment muer ce mot en écriture inclusive, d'ailleurs ?) cités çà-et-là par divers spécialistes qui établissent des classements de philosophes à lire à propos de tel ou tel sujet.
Voulant lire une référence sur le sujet de l'autorité, j'ai donc fait la connaissance d'Hannah Arendt, et j'étais impatient de lire ce que je pensais être une critique acerbe de la modernité et une déploration du rejet de l'autorité.
Alors oui, j'ai trouvé mon bonheur dans le chapitre traitant de la consommation de masse qui dénature les objets culturels, fustigeant ces maudits philistins (les bourgeois) qui, aidés par la fortune de papa et maman, achètent des objets rares pour le seul plaisir de posséder un objet rare, le détruisant ainsi en le vidant de sa substance culturelle, en le dépouillant de son immortalité autrefois garantie par son inaccessibilité, par le fait qu'elle n'appartienne à personne. Mais c'est la seule fois où j'ai vraiment vibré.
Le reste du texte n'a rien de critique, seulement, il explique (très bien), les différentes crises, notamment celle de l'autorité, où le peuple, galvanisé par les idées démocratiques, rejette sa figure autoritaire de référence pour se tourner vers d'autres sources de savoir. Elle explique que c'est ce qu'ont fait Marx, ou Kierkegaard, en rejetant l'idée de dominant-dominés pour le premier, en modérant l'autorité de la religion au profit de la raison pour l'autre.
Beaucoup d'autres philosophes sont cités pour appuyer son texte et ses six chapitres, si l'on omet son septième qui parle de la conquête de l'espace (Platon, Hegel, Spinoza, Kant), et on en sort instruit plutôt que converti (ce qui n'est pas forcément une mauvaise chose), mais je pensais que mes biais de confirmation allaient être excités davantage, que j'allais m'extasier en hurlant qu'elle a raison après avoir lu un passage qui insultait cette fâcheuse manie qu'ont les gens de s'exprimer à propos de sujets qu'ils ne maîtrisent pas parce que la démocratie les prive d'une figure autoritaire kantienne qui les forcerait à passer en état de majorité !
Malgré cette frustration, j'en suis ressorti instruit, ce qui n'est jamais désagréable.