En réponse aux critiques qui fusent à la suite de L'Ecole des femmes, Molière décide d'écrire... La Critique de l'Ecole des femmes, qui n'est pas un essai douteux, alambiqué et pompeux expliquant pourquoi les gens sont des cons et ne comprennent rien au projet de Molière (ce qui est en soi tout à fait vrai, mais là n'est pas le problème) - mais une pièce de théâtre sous-entendant combien les gens sont cons et ne comprennent rien au projet de Molière (voilà).
Assez fine, puisque mettant en scène de véritables personnages (oxymore du jour bonjour), deux jeunes dames intelligentes recevant des invités, l'un intelligent et les trois autres plutôt ou très idiots, qui - quel hasard - viennent justement tous de voir la pièce ! (séparément, cela va de soi). Ils se mettent donc à discuter, de manière assez vive, avec un prélude entre les deux jeunes hôtesses tout à fait délectable. Une bonne dose de mauvaise foi et de bêtise crasse du côté des anti-Molière, ce qui est donc vraiment drôle (on appréciera particulièrement ce que j'ai interprété comme l'ironie sublime d'Elise, une des deux jeunes femmes, quand elle se range du côté de la mégère prude faisant partie du groupe des imbéciles) - et de l'autre côté, une certaine finesse mais qui ne convainc selon moi qu'à moitié, car un peu tardive et peut-être un peu dénuée de... peps. Elle frappe où ça fait mal mais sans faire changer d'avis les protagonistes, bornés, comme si Molière était déjà conscient, et à raison, des échecs de ses tentatives de justification. C'est un peu tragique.

Il y a donc un petit côté mise en abyme du théâtre, assez appétissant, mais l'argumentation des défenseurs de Molière est noyée sous les flots de bêtise des interlocuteurs, et prend finalement, quand elle a de la verve, peu de place, au milieu de la critique (argumentation négative donc) de l'étroitesse d'esprit, et de la mise en place de la situation. Il y a des éléments très éclairants sur l'oeuvre de Molière et ses ambitions (faire du théâtre, c'est avant tout pour plaire à un public), mais c'est en demi-teinte... Un aveu de faiblesse, peut-être, d'un Molière vivement critiqué de son vivant malgré la protection du Roi Soleil, et consacré jusqu'à nos jours. Pas dans cette pièce néanmoins, qui est courte, drôle, piquante, originale, même s'il lui manque un petit grain de sel... A redécouvrir éventuellement ?
Eggdoll

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