Cette quinzaine de nouvelles se déroulent dans la campagne de l’Ontario, au Canada, dans les années quarante. Centrés sur des personnages féminins, très souvent une narratrice qui se remémore ses souvenirs d’enfance et de jeunesse, les récits ont un net parfum autobiographique. Les protagonistes en sont des gens ordinaires, pris dans un quotidien plutôt morne où il ne se passe guère d’évènements notables. Plus qu’à l’action, l’auteur s’attache à l’étude psychologique de ses personnages, à leurs rêves et désillusions, à leurs mesquineries et regrets. Dans ces vies insignifiantes, les cruautés du destin paraissent d’autant plus dures qu’elles demeurent invisibles et discrètes, ne provoquant que des ravages intimes et souterrains.
Chaque nouvelle est extrêmement bien construite et réussit en quelques traits d’une parfaite précision à restituer l’univers et la complexité de personnages plus vrais que nature. Toutes ne m’ont pas passionnée, mais leur ensemble m’a laissé une impression douce-amère de tristesse nostalgique, celle qui vous étreint en feuilletant un vieil album photo empli de personnes inconnues et disparues. La vie y apparaît fragile et fugace, si ce n’est dérisoire, dans un monde indifférent qui ne garde aucune trace des états d’âme et des émotions qui ont pourtant empli toute l’existence de ces êtres oubliés. La leçon à en tirer semble en être la nécessité de parvenir à être soi pour vivre pleinement, et pour cela de refuser d’abdiquer et de se soumettre à une pression sociale et familiale, débilitante et absurde, pour les femmes de cette époque.
Avec ce premier recueil paru quarante-cinq ans avant son obtention du Prix Nobel de Littérature, Alice Munro montre d’emblée un indéniable talent : celui de savoir déceler la subtilité derrière la plus apparente simplicité.
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