Alma Revel est juge antiterroriste. En cette année 2016, elle doit prendre deux décisions majeures : l’une quant au sort d’un jeune homme suspecté d’avoir rejoint l’État islamique en Syrie ; l’autre pour sortir du conflit d’intérêt auquel l’expose sa liaison avec l’avocat de la défense.
Endossant le « je », Karine Tuil se glisse – et nous aussi, par la même occasion – dans la tête de la coordinatrice du pôle antiterroriste de Paris. Cette femme, campée de façon très humaine dans le contexte compliqué de sa vie privée et sentimentale qui nous la rend particulièrement proche dans ses doutes et ses déchirements, est face à un choix cornélien : maintenir un jeune en détention, sur la seule base de suspicions après son séjour en Syrie, ou prendre le risque de libérer un terroriste en puissance. Autrement dit, juger ce garçon pour la crainte qu’il inspire, ou strictement pour ce qu’il a fait.
Directement confronté à ce bien délicat cas de conscience, le lecteur, frappé d’un effroi mêlé d’admiration et de respect, découvre l’éprouvant quotidien des juges du « terro », amenés à prendre des décisions écrasantes de conséquences, sous la pression politique et médiatique, mais aussi sous les menaces qui les contraignent à vivre sous protection constante. Karine Tuil a mené une enquête minutieuse pour nous faire toucher du doigt les réalités de cette profession méconnue, exigeante et dangereuse, n’occultant rien de la violence et de la haine auxquelles elle se retrouve confrontée, et explicitant les différents points de vue adoptés par les uns ou les autres selon leurs convictions et sensibilités.
L’écriture est remarquable, et le récit, captivant, ne laissera personne indifférent. Peu importe si l’intrigue construit son paroxysme sur un jeu de circonstances peut-être improbable, elle excelle à embrasser toute la complexité de son sujet, à nous plonger dans un questionnement dérangeant, à remuer nos consciences et à interroger nos valeurs profondes. Un livre brillant.
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