Étrangement présenté comme un "roman", ce texte a pourtant tout d'une biographie. Il n'y manque pas même les sources en fin de volume... Nouvel exemple de la difficulté à se représenter les genres littéraires aujourd'hui (dès qu'un livre est écrit à la 1ère personne, on dit que c'est "autobiographique", alors pourquoi ne pas tirer, inversement, la biographie vers le roman) ? Je pense que c'est un peu plus complexe que ça.
Olivier Guez a produit là un très honnête travail journalistique, écrit d'une plume alerte, documenté, mais sans doute avait-il envie d'en faire davantage, et on le comprend. Le Mal absolu, on voudrait comprendre, justement, au-delà des faits, et la littérature peut constituer un merveilleux moyen d'investigation. Force est de reconnaître qu'on n'y arrive pas ici, ce qui est presque normal (avec un tel sujet...), mais malgré tout un peu déceptif. Paradoxalement, c'est dans la seconde partie du livre, avec la déchéance d'un Mengele traqué, qu'on arrive à une certaine vérité du portrait, mais alors dans toute l'ambiguïté inhérente au roman : on le prendrait presque en pitié, ce vieux grincheux solitaire... Or, on sait toutes les difficultés que pose la thèse de la "banalité du mal". La violence absolue du personnage ne peut pas s'expliquer seulement par la recherche de reconnaissance ou d'argent, par la médiocrité en somme, comme l'auteur le tente trop rapidement pour conclure. Dire que c'est un pauvre type, c'est trop rapide.
Bref. À défaut d'un roman qui nous plongerait dans la vérité du mal, un récit bien fait, qui montre l'étonnante impunité (jusqu'à un certain point) dont les bourreaux ont bénéficié. La réalité dépasse ici la fiction.