Challenge ABC 2012/2013
12/26

Si les éditions First avaient existé au XIXème siècle, elles auraient sans doute missionné Emile Zola pour écrire "L'allégorie pour les Nuls"...

Longtemps j'ai pensé que je préférerais me faire couper les deux bras plutôt que prononcer un verdict négatif sur un aussi grand écrivain que Zola mais le fait est que je dois pourtant m'y résoudre car comment donner une opinion favorable quand il m'a fallu plus de trois mois pour arriver laborieusement au bout de cette lecture que je viens d'achever sans pouvoir m'empêcher de pousser un très grand soupir de soulagement ?

Ce tome 5 des Rougon-Macquart est-il l'exception qui confirmerait la règle ? Faut-il fatalement une épine dans le bouquet de cette grande oeuvre littéraire ? Je ne pourrais me prononcer qu'après l'avoir lue en totalité. Le style n'est pas remis en cause ; la plume est toujours aussi belle, aussi efficace, aussi poétique et envoûtante mais l'ennui s'est immiscé entre la narration et moi, m'engluant totalement. Avec une grande couardise, j'ai à plusieurs reprises délaissé le roman pour me vautrer avec d'autres, délicieusement, réconfortée à l'idée de sortir du Paradou, le jardin fantastique qui sert de décor à toute l'oeuvre. La sensation d'enfermement que j'ai ressentie à être ainsi cloîtrée avec Serge et Albine derrière les hautes murailles ceignant ce parc immense et sauvage m'a presque effrayée quand je n'étais pas irritée par les trop longues descriptions des végétaux devenus étouffants. D'avoir voulu trop en faire, trop en dire, Zola y a perdu sa capacité à me persuader, à me transporter. Je suis restée incrédule devant les évènements qui émaillent le récit ; dubitative devant le spectacle des sentiments unissant les deux principaux protagonistes. Pourtant, tout ne commençait pas si mal...

**** SPOILER ****
Le récit s'articule en trois livres.
Une très belle et juste introduction à la foi dans tout son mystère, une approche traitée avec beaucoup de subtilité, d'intensité et de respect pour nous faire toucher du doigt la beauté d'une spiritualité vécue de l'intérieur, par Serge, curé de paroisse.
Vient ensuite toute la partie consacrée à la relation (quasiment sortie de nulle part) entre Serge et Albine, cette enfant sauvage de 16 ans, poussée telle l'herbe folle, ignorante des lois qui régissent la société et connaissant pour tout horizon l'étendue quasi infinie du Paradou, ce parc mystique qui va prendre très vite le visage d'un Eden terrestre. Un jardin de paradis qui sous la plume exacerbée (et exacerbante) de l'auteur va devenir l'allégorie non déguisée du péché originel, quand Serge devient Adam et Albine l'Eve qui mène au péché. D'abord insouciants et innocents, ils vont, sous la poussée de la Nature et de leur chair, enfreindre l'interdit, le célibat du prêtre catholique et ils vont "se savoir nus", connaître la honte, la brûlure du péché, l'illusion du bonheur et la fuite de l'espérance.
Enfin, pour achever l'oeuvre (et le lecteur), Serge sera chassé du Paradou comme Adam fut chassé de l'Eden. Il devra se mettre en quête du Salut, trouver la force de décider de son sort et de celui d'Albine, plonger dans les méandres de son esprit jusqu'à frôler la folie et boire le calice jusqu'à la lie...

Éprouvante, voilà ce que fut ma lecture. Je n'en sors pas tout à fait indemne. Comme Serge, j'ai été profondément remuée par ses transports de prêtre, cherchant à démêler la foi de la folie et cherchant la voie à suivre. Une chose est sûre, je suis désormais acharnée contre la botanique et je n'ose plus poser les yeux sur un jardin de peur de le voir s'animer en écho des descriptions d'Emile Zola !
Gwen21
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le 9 févr. 2013

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Gwen21

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